Immunité de Serge Dassault: Vous avez des questions, voici les réponses
DECRYPTAGE•Les principales questions au lendemain de la décision du bureau du Sénat de ne pas lever l’immunité parlementaire du sénateur UMP Serge Dassault…Anne-Laëtitia Beraud avec AFP
Au lendemain du vote secret du bureau de la Haute Assemblée qui s'est prononcé contre la levée de l’immunité parlementaire du sénateur UMP Serge Dassault, plusieurs questions restent en suspens.
Pourquoi une levée de l’immunité parlementaire de Serge Dassault a-t-elle été demandée?
Les juges instruisent une affaire d'achat présumé de voix, de corruption, d'abus de biens sociaux, dans la ville de Corbeil-Essonnes (Essonne) dont Serge Dassault a été maire de 1995 à 2009.
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Pourquoi la justice a-t-elle demandé la levée de l’immunité parlementaire du sénateur?
Si la levée avait été accordée, cela aurait permis aux magistrats du pôle financier de Paris, Serge Tournaire et Guillaume Daïeff, de placer le sénateur de 88 ans en garde à vue et de perquisitionner ses locaux. En juillet, dans un dossier judiciaire distinct, le bureau du Sénat avait refusé une première fois de lever l'immunité de l'avionneur. Mais cette fois, le parquet soutenait la demande des juges.
Avec cette décision, la justice peut-elle encore enquêter?
Oui, l'enquête va se poursuivre, et sur plusieurs fronts, car plusieurs procédures concernent l'homme d'affaires. L'immunité parlementaire de Serge Dassault ne le protège pas d'une mise en examen.
Le rejet de la demande par le bureau du Sénat veut-elle dire que Serge Dassault est innocent?
La décision prise par le bureau du Sénat ne préjuge en rien sur la culpabilité ou l’innocence de l'industriel.
Qu’en disent ses avocats?
Dans un communiqué, ses avocats ont assuré que l'industriel restait à la disposition des juges parisiens s'ils souhaitaient l'entendre. Ils se sont offusqués des critiques, déplorant «l'instrumentalisation politique d'une affaire judiciaire au mépris des règles fondamentales de notre droit».
Qui sont les sénateurs qui ont voté contre la levée de l’immunité parlementaire de Dassault?
La demande concernant l'industriel et patron de presse a été rejetée par le bureau du Sénat mercredi, par 13 voix contre 12, et une abstention. Comme il est composé de 14 élus de gauche (dont 9 socialistes, 3 communistes, un radical et un écologiste) et 12 de droite (10 UMP et 2 UDI-UC), il a donc manqué deux voix de gauche pour lever l'immunité du milliardaire. Alors que cette décision du Sénat suscite une polémique, les deux sénateurs n’ont aucun intérêt à se dévoiler.
Pourquoi le président du Sénat propose de revenir au vote à main levée en cas de demande de levée d'immunité parlementaire?
Le président du Sénat socialiste Jean-Pierre Bel a proposé jeudi cette mesure, expliquant: «Cela permettrait que chacun assume publiquement sa position sur des questions graves», écrit l'élu de l'Ariège dans un communiqué.
«Quand je vois les retombées de cette décision», le rejet de la levée de l'immunité de Serge Dassault, «et le débat qu'elle suscite, les suspicions sur le vote des uns et des autres, je m'interroge, en tant que président du Sénat, sur la pertinence du vote à bulletin secret lorsque le Bureau se prononce sur une demande de levée de l'immunité parlementaire», précise Jean-Pierre Bel.
Quelles conséquences pour l'image du Sénat?
Marine Le Pen, présidente du Front national, s'est prononcée jeudi pour la suppression du Sénat. «Je ne vois pas plus bien à quoi sert aujourd'hui le Sénat», a-t-elle expliquée sur LCI et Radio Classique. Marine Le Pen a également dénoncé un «scandale» dans ce rejet par le bureau du Sénat de la demande de levée d'immunité du sénateur Serge Dassault. «L'ensemble de ces sénateurs préservent deux fois de suite l'immunité de Serge Dassault pour des faits que j'appelle de droit commun».
Jean-Vincent Placé, président du groupe EELV au Sénat, a suggéré jeudi que l'on en revienne, comme avant 1995, à un vote public pour les levées d'immunité parlementaire. Sur i>TELE, l'élu de l'Essonne a jugé que le vote secret du bureau du Sénat donnait une «image déplorable de la politique et du Sénat».
Interrogée par France Inter sur les raisons possibles de la défection de voix de gauche, la sénatrice PS Laurence Rossignol a énuméré quelques hypothèses: «de vieilles amitiés, des connivences, des renvois d'ascenseur, que sais-je...». «Ce que j'en conclus pour la démocratie, c'est qu'il faut en finir avec le vote secret des parlementaires», a tranché l'élue de l'Oise. «Je suis pour un vote à main levée».