SOCIÉTÉComment Dieudonné organise son insolvabilité

Comment Dieudonné organise son insolvabilité

SOCIÉTÉlgré son succès, le polémiste n’a officiellement pas un sou en poche…
Maud Pierron

Maud Pierron

Ses spectacles à la Main d’Or affichent salle comble, ses tournées sont un triomphe, ses produits dérivés partent comme des petits pains. Et pourtant, l’humoriste n’a payé aucune des amendes auxquelles il a été condamné car il est insolvable. Une insolvabilité que le ministère de l’Intérieur estime potentiellement organisée de façon frauduleuse. Une manœuvre passible de trois ans de prison et de 45.000 euros d’amende. Deux enquêtes ont d’ailleurs été ouvertes à Chartres (Eure-et-Loir) et Paris pour organisation frauduleuse d’insolvabilité et blanchiment. 20 Minutes fait le point sur ce que l’on sait des montages permettant au polémiste d’échapper au trésor public.

>> Lire ici notre enquête: Dieudonné, aux origines de la quenelle

Une société qui n’est pas à son nom

Dieudonné avait bien une société de production à son nom, Bonnier production, mais celle-ci a été radiée des registres du commerce en 2013, après avoir été laissée en déshérence, affirme Libération. Les derniers comptes publiés faisaient état d’un bénéfice de 6.700 euros et il aurait laissé «des ardoises à son nom par exemple au Zénith de Paris» pour un montant de 15.000 euros, rapporte Crystel Camus, son ancienne productrice. En fait, c’est désormais les Productions de la plume qui gèrent les affaires de Dieudonné, une société gérée par sa compagne, Noémie Montagne et sa mère, Josiane Grué-Plume. C’est cette société créée en 2010 qui empoche toutes les recettes tirées des spectacles de Dieudonné et des produits dérivés, avec un chiffre d’affaire d’1,8 million pour 2012, selon le site société.com. Dieudonné n’est même pas salarié de cette entreprise et encore moins associé à son capital. Impossible donc de faire le lien entre la personne morale du polémiste et la société de production. Et donc de saisir les comptes de la société. C’est également Noémie Montagne qui a déposé auprès de l’Inpi la marque Quenelle et la société de communication e-Quenelle. Là encore, Dieudonné n’apparaît nulle part.

Des droits d’auteur abandonnés

«Il semble n’avoir aucun élément à son nom», se lamente dans Libé le président de la Licra, Alain Jakubowicz, qui attend toujours pour 25.000 euros de dommages et intérêts et frais de représentation de la part du polémiste. Dieudonné s’est par exemple désinscrit de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) et n’est pas répertorié à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), deux organismes chargés de collecter ses droits d’auteur et interprète et qui pourraient lui rapporter une somme rondelette. Une somme qui pourrait être saisie pour payer ses amendes…

Une maison saisie… et rachetée par la société de production

C’est à nouveau Libé qui rapporte la manœuvre: sa propriété de Saint-Lubin-de-la-Haye, en Eure-et-Loir, a été mise aux enchères, saisie par le fisc, pour éponger ses impayés d’impôts, pour près de 890.000 euros. Ce domaine, qui était à la fois son domicile, son lieu de travail et le siège social des Productions de la plume, a finalement été racheté aux enchères par… les Productions de la plume pour 551.000 euros. Après que Dieudonné a lancé un appel aux dons auprès de ses fans, un appel fructueux d’après lui, qui lui a permis de récolter en janvier 2013, 40.000 euros. Et le seul compte en banque trouvé au nom de Dieudonné par les avocats de la Licra est dans le rouge, de 2.100 euros.

Un financement étranger

Mais alors comment fait cet amateur de polémiques insolvable pour financer ses projets? Il lui suffit de taper aux bonnes portes. Le Monde et Libération affirment que son film, L’Antisémite, sorti en DVD en 2012, a été co-financé par des proches du régime iranien de l’époque dirigé par Mahmoud Ahmadinejad. Et d’après Libération, des investigations sont en cours sur le financement en 2009 de sa liste antisioniste pour les européennes. Des recherches qui mèneraient jusqu’au régime syrien de Bachar al-Assad. D’ailleurs, Dieudonné s’est rendu à Damas en 2006, en compagnie de Frédéric Chatillon, l’ex-leader du GUD.