JUSTICEBAC Nord de Marseille: Lourdes sanctions contre les anciens policiers

BAC Nord de Marseille: Lourdes sanctions contre les anciens policiers

JUSTICEMis en examen en octobre 2012 pour vol et extorsion en bande organisée aux dépens de dealers et écroués pendant deux mois et demi, ils avaient tous été autorisés par la justice à reprendre leur travail, depuis fin mars-début avril, en uniforme et en dehors des Bouches-du-Rhône...
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Révocations, suspensions fermes: le conseil de discipline, réuni mardi et mercredi à Marseille, a fait le choix de sanctions lourdes à l'encontre des policiers de l'ex-BAC Nord, une affaire qui a mis en lumière les dérives d'un système.

L'instance a voté trois mesures de révocation, ainsi qu'une suspension de 24 mois dont 12 avec sursis, une autre de 24 mois dont 15 avec sursis, et une rétrogradation (un brigadier redevenant simple gardien de la paix), selon une source proche de l'enquête. Ces mesures, des «propositions» qui doivent être entérinées à Paris, ont été prises en l'absence des deux syndicats, qui ont boycotté la séance faute d'avoir obtenu le report des travaux.

«Nous ne lâcherons pas nos collègues, nous irons jusqu'au bout de ce qui est permis de faire avec eux», a réagi auprès de l'AFP le délégué zonal adjoint d'Alliance, David-Olivier Reverdy. «Nous souhaitons que la justice se détermine au plus vite et que les réelles responsabilités des uns et des autres soient établies de façon juste et objective», a-t-il ajouté. Unité SGP-Police FO a demandé de son côté au ministre de l'Intérieur Manuel Valls, «qui se positionne clairement +en juge et partie+», de surseoir à la décision finale, «le temps nécessaire à un éventuel renvoi devant un tribunal».

Aucune preuve d'enrichissement personnel

Les six «ripoux» présumés, gardiens de la paix et brigadiers âgés de 34 et 52 ans, étaient convoqués pour des manquements à leurs obligations de probité, de dignité et d'exemplarité.

Mis en examen en octobre 2012 pour vol et extorsion en bande organisée aux dépens de dealers et écroués pendant deux mois et demi, ils avaient tous été autorisés par la justice à reprendre leur travail, depuis fin mars-début avril, en uniforme et en dehors des Bouches-du-Rhône.

Aucune preuve d'enrichissement personnel ou de système organisé n'a pu être apportée à ce stade.

Loin des accusations portées à l'automne 2012 par le procureur qui avait parlé d'«une gangrène», l'enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a principalement démontré des faits de récupération, lors de contrôles, de cigarettes et stupéfiants, des produits ensuite détruits ou remis à des «indics», ont assuré les intéressés en garde à vue.

«Vierge effarouchée»

«L'application stricto sensu de la procédure aurait eu pour conséquence de neutraliser l'activité de tout l'équipage», a expliqué un de ces policiers spécialisés dans le flagrant délit. «Notre groupe faisait 28 affaires par mois, il fallait forcément qu'on flirte avec les lignes!» renchérit un autre. La BAC Nord, depuis dissoute par le ministre de l'Intérieur, qui a unifié les trois divisions de la ville, réalisait plus de 4.000 interpellations par an, dont 45% de délits de voie publique, ce qui en faisait «la meilleure BAC de France».

«Aujourd'hui, faire la vierge effarouchée sur certaines pratiques, alors que ces pratiques ont profité à un service et des directeurs qui se sont fait mousser dans les médias, ça a quelque chose d'un peu abject», estime une source policière. Cette affaire pose également, selon Unité SGP-Police FO, des questions sur «le caractère des missions BAC, desquelles les +plans stups+ sont exclus, mais étaient pourtant largement pratiqués». «Tout cela ne relève-t-il pas d'une grande hypocrisie ? La réponse est forcément oui, dans un contexte où le trafic de drogue préside, et de loin, au règne de la délinquance et de la criminalité».

Afin d'éviter les dérives, depuis 2004, les informateurs sont officiellement recensés et immatriculés, recevant un reçu des sommes versées. Toutefois un des «baqueux» marseillais raconte avoir tenté de faire enregistrer son «indic», finalement découragé par une procédure lourde et peu confidentielle.Avant ces six policiers, une vingtaine d'autres «baqueux» avaient déjà été sanctionnés de blâmes et suspensions temporaires de service (jusqu'à trois mois ferme), validés à Paris.

La décision finale revient à la Direction des ressources et compétences de la police nationale (DRCPN), qui confirme cependant presque toujours l'avis du conseil. Chaque fonctionnaire, une fois que la sanction lui aura été notifiée, aura la possibilité d'introduire un recours.