Trafic de viande de cheval: Huit questions pour comprendre l'affaire
SOCIETE – Un présumé réseau de chevaux passés par des laboratoires scientifiques ou des centres équestres est en passe d'être démantelé...Anne-Laëtitia Beraud avec AFP
Des investigations liées à un trafic de viande de chevaux passés par des laboratoires scientifiques ou des centres équestres dans le grand sud de la France et l’Espagne ont été menées ce lundi matin. Les gendarmes ont déclenché une vaste opération dans onze départements français, mobilisant une centaine de personnes, et aboutissant à 21 interpellations.
Que cible cette nouvelle enquête?
La commercialisation de viande de chevaux qui auraient auparavant servi à la recherche d'entreprises pharmaceutiques ou de laboratoires, ainsi que de chevaux de centres équestres, des viandes qui se sont retrouvées dans l'assiette de consommateurs.
Combien de chevaux impropres à la consommation ont atterri dans nos assiettes?
Selon les premiers éléments de l’enquête, il s’agit d'environ 200 chevaux, dont certains achetés au géant pharmaceutique Sanofi pour produire des sérums. «On avait le cheval du particulier en centre équestre par exemple, qui devait finir sa vie paisiblement dans un pré et qui la termine à l'abattoir alors qu'il a reçu des traitements médicamenteux le rendant impropre à la consommation», dit une source proche des investigations, «et puis on avait le cheval de laboratoire, avec deux cas de figure. Soit il servait à des prises de sang pour la fabrication de vaccins; soit il était cobaye dans la recherche». «Cela ne veut pas dire qu'il y ait eu un risque pour le consommateur, mais de toute façon, ces chevaux n'auraient jamais dû se retrouver dans l'assiette du consommateur», a-t-elle dit.
Comment ces viandes ont-elles pu arriver jusque dans nos assiettes?
Les équidés auraient été vendus pour la consommation après falsification ou escamotage de leurs documents vétérinaires, selon une source proche de l’enquête. Un site du laboratoire Sanofi en Ardèche aurait cédés les équidés entre 2010 et 2012 à un marchand de chevaux du Gard, qui les aurait ensuite vendus à un négociant de Narbonne, soupçonné d'être l'organisateur du trafic, ont indiqué ces sources. Dans une moindre mesure, le trafic concernerait aussi des chevaux achetés à des centres équestres ou à des particuliers. Il s'étendrait à l'Espagne où l'abattoir de Gérone a été perquisitionné.
Comment ce trafic a-t-il été mis à jour?
C'est une dénonciation anonyme adressée fin 2012 à la direction audoise de la protection des populations qui a déclenché l'enquête, aujourd'hui menée dans le cadre d'une information judiciaire dirigée par un juge d'instruction du pôle santé du tribunal de Marseille.
Qu’a fait la gendarmerie ce lundi matin?
Une centaine de gendarmes agissant dans le sud de la France, en Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Midi-Pyrénées, ont entrepris d'interpeller une vingtaine de personnes. Les gendarmes ont ainsi interpellé un homme à Narbonne (Aude), apparemment à son domicile, avant de l'emmener sur le site des abattoirs de la ville où pourraient se trouver les bureaux de sa société, selon l'AFP. C'est précisément un négociant de Narbonne qui est soupçonné d'être l'organisateur du trafic, selon une source proche de l'enquête.
Qu’est-ce qui va se passer encore ce lundi?
Ces interpellations doivent s'accompagner de perquisitions au siège de négociants en viande et, dans une moindre mesure, dans des abattoirs, avec la participation de la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires. Des recherches ont également été diligentées dans des locaux de Sanofi ainsi que dans un abattoir de Gérone (Espagne), de l'autre côté de la frontière.
Du côté de Sanofi Pasteur, division vaccins du groupe pharmaceutique Sanofi, un porte-parole a indiqué: «Nous avons collaboré à l'enquête de gendarmerie», précisant que le groupe avait été interrogé «il y a quelques temps» en qualité de témoin. Le laboratoire «utilise des chevaux, pas pour des tests de laboratoire, mais pour fabriquer des médicaments».
Ces «sérums équins purifiés» sont des anticorps antirabiques (rage), antitétaniques (tétanos) et antivenimeux. Ils sont élaborés dans le centre de fabrication de sérums équins situé dans la Drôme. Sanofi Pasteur utilise les chevaux, selon le porte-parole, pendant environ trois ans avant de les revendre «en précisant dans le certificat de vente, pas parce qu'il y a un danger mais par mesure de précaution, que ces animaux ne doivent pas intégrer la filière alimentaire», a expliqué le porte-parole.
Y a-t-il un lien entre ce trafic et le scandale sanitaire Spanghero, il y a quelques mois?
Les deux affaires «sont différentes», a précisé le ministre de la Consommation ce lundi matin. Benoît Hamon a distingué cette nouvelle affaire du scandale Spanghero. «C'est différent, là il pourrait s'agir d'un problème sanitaire», a-t-il dit sur RTL. Début 2013, une enquête a révélé que Spanghero, entreprise de l'Aude, revendait de la viande de cheval pour du boeuf. La viande servant encuite à la préparation de millions de plats cuisinés, comme des lasagnes, pour des grandes marques ou la grande distribution. Le scandale européen, partie en février de Grande-Bretagne et d'Irlande, a mis en lumière certains agissements de l'industrie agroalimentaire et signalé l'opacité de ses circuits d'approvisionnement.
Va-t-on vers un étiquetage de l’origine de la viande?
«Nous avons depuis le début de l'année mis sous surveillance la filière viande et la filière poisson en France» pour restaurer la confiance, a expliqué Benoît Hamon. «La France est le premier pays en Europe à avoir inscrit dans sa loi l'étiquetage de l'origine de la viande dans les plats préparés. Nous attendons maintenant de Bruxelles qu'elle nous donne le feu vert, je l'espère en janvier prochain.»
Mais «au-delà de cela, il y a la question de la qualité de ce que l'on mange. Il y a des chevaux qui ne doivent pas finir ni dans votre assiette ni chez le boucher, et c'est le travail je crois de cette enquête dont nous saurons les résultats bientôt», a-t-il dit.
Impossible de dire «à ce stade» si ce trafic a mis en péril la santé des consommateurs, a ajouté le ministre délégué à l'Agroalimentaire Guillaume Garot. Cependant, a jugé une source proche de l'enquête, «cette affaire est potentiellement plus malsaine» que l'affaire Spanghero, avec laquelle elle n'a pourtant aucun rapport.