SOCIETEQue pensent les agriculteurs de la grogne des céréaliers d'Ile-de-France?

Que pensent les agriculteurs de la grogne des céréaliers d'Ile-de-France?

SOCIETEDans le monde agricole, éleveurs et agriculteurs n'ont pas forcément la même vision du mouvement engagé en Ile-de-France ce jeudi...
Anne-Laëtitia Béraud

Anne-Laëtitia Béraud

Des voix discordantes au sein du monde agricole. La Fédération des syndicats d’exploitants agricoles d’Ile-de-France (FDSEA) et celle des Jeunes Agriculteurs (JA) ont manifesté ce jeudi sur les routes menant à Paris pour protester contre un ras-le-bol des règlements, l’écotaxe et la réorientation de subventions européennes qu’appuient le gouvernement. En grande majorité des céréaliers, ces agriculteurs manifestants vont pâtir du rééquilibrage de ces subventions en direction de l'élevage, aux besoins patents. Mais parmi la profession, cette manifestation est perçue différemment.

>> Toutes les infos sur la manifestation de ce jeudi matin

Jean-Claude Gauvreau, à la tête du GAEC (Groupement agricole d'exploitation en commun) du Maras à Chauvigny, dans la Vienne, est éleveur de chèvres et produit un peu de céréales (blé, orge, colza ou tournesol suivant les années) sur son exploitation de 80 hectares. «Ce qui se passe aujourd’hui en Ile-de-France pour moi est une manifestation corporatiste pour maintenir un pouvoir d’achat. Je ne suis pas solidaire de cette action, car à un moment, quand on voit les telles disparités de revenus dans nos professions, on ne peut plus s’arc-bouter sur des acquis distribués par l’Union européenne». L’homme, qui tire 80% de ses revenus des chèvres, estime que la réforme des subventions européennes «va dans le bon sens, même si elle ne va pas très loin», avant de souligner que la monoculture des céréales en Ile-de-France pose des problèmes.

Près de Limoges, Olivier Nanot, éleveur de vaches limousines aux Linards, se dit, lui, solidaire de la contestation en Ile-de-France. Pour ce professionnel, qui élève aussi des bêtes de concours, le blocage de ce jeudi matin se comprend car la réorientation des crédits de la Politique agricole commune (PAC) apparaît injuste. «Prendre dans la poche de l’un pour donner à l’autre, ce n’est pas possible. Soit on donne à tous, soit on supprime tout et à tous», pose-t-il. L’éleveur cible «les charges trop élevées, alors que le revenu, lui, n’augmente pas». Des taxes en constante progression qui poussent le monde de l’agriculture à se mobiliser.

Un argument que comprend Laurent Guinier, céréalier (blé, betterave, colza) à Malesherbes, dans le nord du Loiret, sur 144 hectares. Mais il nuance: «Depuis quatre, cinq ans, économiquement parlant, on va mieux, alors que la période 2006 à 2009 a été très dure, avec des coûts de production plus élevés que ce que je gagnais. Les cours mondiaux sont très variables, il faut en permanence s’adapter, quand certains décrochent».

>> Les raisons de la colère des agriculteurs d'Ile-de-France, c’est à lire ici

L’homme souligne que si des solidarités existent entre les céréaliers et les éleveurs, le monde de l’agriculture reste très individualisé. «On ne peut pas généraliser en disant que tous céréaliers vont bien et les éleveurs vont mal. Cela dépend tellement des exploitations, des coûts, du fait que l’on soit propriétaire ou, comme moi, en fermage, avec 17.000 euros à sortir en fin d’année pour les loyers», ajoute-t-il. Mais si, pour lui aussi, la charge administrative est trop importante, il apparaît mitigé sur l’opération des agriculteurs en Ile-de-France ce jeudi matin. «Emmerder les gens sur la route alors qu’ils vont au travail, je ne suis pas pour, car ces gens n’ont rien à voir avec nous, et ce n’est pas sûr que cela fasse avancer la cause… Je ne crois pas qu’on arrive au moment où on va tout péter, mais il faut faire attention, car il y a un vrai ras-le-bol,» conclut-il.