Pourquoi réformer le statut des enseignants?
EDUCATION•Vincent Peillon démarre ce lundi les discussions avec les syndicats d’enseignants pour redéfinir leurs missions. Un dossier sensible…Delphine Bancaud
Comment est régi actuellement le métier des enseignants?
Le statut des enseignants est régi par des textes qui remontent à…1950. C’est dire si l’exercice du métier a changé depuis! Dans ces textes, les obligations de service d’un enseignant du secondaire sont définies uniquement par un nombre hebdomadaire d’heures de cours (15 heures s’il est agrégé, 18 heures s’il ne l’est pas). Or, le travail de l’enseignant ne se limite pas à sa présence devant les élèves comme le souligne, Frédérique Rolet, porte-parole du Snes: «Outre la correction des copies et la préparation des cours, l’enseignant passe de plus en plus de temps à rencontrer les parents d’élèves, à se concerter avec les personnels sociaux, à faire des réunions avec ses collègues…». D’où l’urgence à reconnaitre ce travail invisible dans un nouveau texte. La Cour des comptes elle-même, recommandait en mai dernier de «redéfinir» le métier d’enseignant et de mieux valoriser.
Pourquoi le sujet est-il explosif?
«La question du statut des enseignants a déjà été mise sur la table à plusieurs reprises depuis 20 ans: en 2004, la commission Thélot suggérait par exemple, au ministre de l’Education de l’époque un allongement du temps de présence des enseignants du second degré dans les établissements de quatre à huit heures par semaine pour se consacrer davantage à leurs nouvelles tâches. Et ce, en échange d’une revalorisation salariale», se souvient Claude Lelièvre, historien de l’Education. «Mais à chaque fois, les différents ministres ont reculé devant les réticences syndicale, qui craignent une augmentation de leurs obligations de service sans revalorisation salariale», poursuit-il. La marge de manœuvre de Vincent Peillon sur ce dossier sera donc étroite. «Tout ce qui serait de l'ordre de l'alourdissement, de la déstabilisation, de l'annualisation [du temps de travail] ou de toute autre idée saugrenue qui pourrait apparaître ici ou là, nous les combattrons», a déjà prévenu Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU.
Que peut proposer le ministère?
Dans son rapport de mai, la Cour des comptes préconisait de s’attaquer au temps de travail des enseignants, en l’annualisant afin d’intégrer les heures de cours et l’ensemble de leurs autres activités (travail en équipe pédagogique, accompagnement personnalisé des élèves…). «La répartition de ce temps de service doit pouvoir être modulée en fonction du type de poste occupé et des besoins locaux des élèves», a également suggéré son président Didier Migaud.
Des propositions révolutionnaires qui ont peu de chance de voir le jour. «Sur ce sujet, Vincent Peillon sera obligé d’avancer à tâtons, d’autant qu’il ne peut pas se permettre d’allumer un nouveau front après le conflit sur les rythmes scolaires», explique Claude Lelièvre. Le ministre n’aurait donc pas l’intention de toucher globalement au temps de service des enseignants. Mais dans un premier temps, il envisagerait de décharger d’une heure de cours par semaine 300 enseignants de ZEP pour qu’ils consacrent ce temps à d’autres missions (suivi individualisé des élèves, travail en équipes, rencontre avec les parents…).
«Dans un second temps, le ministre pourrait choisir de décharger les enseignants du secondaire d’une ou deux heures en réduisant parallèlement le nombre d’heures de cours des élèves. Une option possible en revoyant les programmes, ce qu’il a justement prévu de faire cette année», indique Claude Lelièvre.
Le salaire des enseignants sera-t-il revalorisé?
Avec la création de 60.000 postes lors du quinquennat, difficile pour Vincent Peillon de dégager des moyens conséquents pour effectuer une revalorisation globale du salaire des enseignants, même s’il reconnait leurs nouvelles missions. «Je pense plutôt qu’il va développer des indemnités afin de rémunérer les enseignants assurant des missions spécifiques: la formation de tuteurs ou la coordination de disciplines», avance Frédérique Rolet. Si les syndicats feront preuve de réalisme, en n’exigeant pas dès cette année une revalorisation globale des salaires, ils devraient certainement demander au ministre de la programmer dans les prochaines années.