INTERVIEWEnquête européenne sur les excédents commerciaux allemands: «Il ne faut pas trop en attendre»

Enquête européenne sur les excédents commerciaux allemands: «Il ne faut pas trop en attendre»

INTERVIEWSabine Le Bayon, économiste spécialiste de l'Allemagne à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), explique les raisons et les conséquences potentielles de la procédure annoncée mercredi par la Commission européenne...
Propos recueillis par Claire Planchard

Propos recueillis par Claire Planchard

Des déséquilibres macroéconomiques scrutés à la loupe. Mercredi, la Commission européenne a annoncé le lancement d’une enquête approfondie sur l'Allemagne. En ligne de mire: ses excédents commerciaux, jugés excessifs. La dépendance de Berlin envers les exportations et la faiblesse de sa demande intérieure sont souvent pointées du doigt. On leur reproche notamment de pénaliser les exportations de ses voisins européens comme la France et l'Italie. Les explications de Sabine Le Bayon, économiste spécialiste de l’Allemagne à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Pourquoi annoncer cette enquête aujourd’hui ?

C’est un peu paradoxal. Cette procédure se place dans le cadre de la nouvelle législation européenne (Six Pack) sur la surveillance des déséquilibres macroéconomiques qui prévoit le déclenchement d’une enquête lorsque le solde commercial dépasse 6% du PIB (en moyenne sur trois ans). Cette année, l’excédent allemand encore devrait dépasser les 6% et donc la procédure est déclenchée à juste titre. Mais elle intervient aussi à un moment où on observe un rééquilibrage de l’économie allemande vers sa demande interne. Depuis 2010-2011, après une décennie de modération salariale, la croissance du pays a en effet été surtout tirée par la demande intérieure, la reprise de la croissance et les baisse du chômage ayant permis aux partenaires sociaux de négocier des hausses de salaires plus importantes. Du coup, les importations allemandes ont-elles aussi été plus importantes, notamment en provenance de ses partenaires européens qui en ont profité. Mais il est vrai qu’elle exporte aussi encore plus hors de la zone euro.

Cette procédure peut-elle peser sur la politique économique allemande?

Cette enquête peut aboutir dans un premier temps à des recommandations de mesures correctives, avant une éventuelle sanction financière. Et il est fort probable que la Commission recommande à l’Allemagne de soutenir ses salaires. Cela peut renforcer la position des conservateurs favorables à l’instauration d’un salaire minimum négocié par les partenaires sociaux, alors que démocrates chrétiens et sociaux démocrates sont toujours en négociation sur une future coalition.

Que peuvent en attendre les partenaires européens de l’Allemagne?

Il ne faut pas attendre trop de quelconques mesures. Une hausse des salaires en Allemagne pourra contribuer à un léger rééquilibrage qui peut être bénéfique à ses partenaires mais pas autant que ce qu’on peut en attendre. En effet, la vigueur des exportations et de la compétitivité allemande ne tient pas qu’à la modération salariale: elle tient à aussi à la réputation de ses produits et à la délocalisation d’une grande partie de sa production en Europe de l’Est.