Un Dictionnaire de la Zone pour comprendre «l'argot des banlieues»
•"Zonzon: aphérèse de prison ou apocope de zonpri avec redoublement de syllabe". Un Dictionnaire de la Zone, compilé par l'auteur du site éponyme Abdelkarim Tengour, recense, explique et illustre "Tout l'argot des banlieues".© 2013 AFP
«Zonzon: aphérèse de prison ou apocope de zonpri avec redoublement de syllabe». Un Dictionnaire de la Zone, compilé par l'auteur du site éponyme Abdelkarim Tengour, recense, explique et illustre «Tout l'argot des banlieues».
Les scarla et les scarlettes pénavent pas comme les joibours de Paname. En clair: les jeunes garçons et filles de banlieue ne parlent pas comme les bourgeois parisiens.
Pour aider à les comprendre, Abdelkarim Tengour livre 2.600 définitions qui vont de «06» («donne-moi ton 06», ton numéro de portable) à «zyva», tombé en désuétude et remplacé par «wesh-wesh» pour désigner les jeunes de banlieues.
Cet informaticien de 45 ans, «lexicographe autodidacte», s'est penché sur le vocabulaire des cités (quartier, tiecar, tiek, tiex...) par un biais détourné pour rédiger son dictionnaire qui vient de paraître aux éditions de l'Opportun.
«En 2000, j'écrivais des poèmes et des nouvelles et je les avais mis en ligne sur un site de partage avec une annexe lexicale baptisée Dictionnaire de la Zone», raconte-t-il.
«Très vite, je me suis rendu compte que la partie dictionnaire était la plus visitée, alors je l'ai développée et enrichie», explique-t-il à l'AFP. Au point d'abandonner la partie littéraire.
Sur le site, de nombreux internautes échangent sur le sens et l'origine de mots d'argot, souvent entendus dans des chansons de rap. Leurs discussions fournissent la base de la version papier du dictionnaire.
Abdelkarim Tengour n'a conservé que les termes mentionnés au moins trois fois par des internautes et les «a validés s'ils étaient repris dans des chansons, films ou articles».
Ma mif est deudeu
Il a gardé des mots apparus de longue date: «Faire le poireau» (attendre) est illustré par une citation d'un San Antonio de 1970. D'autres sont plus récents: «s'enjailler» (se faire plaisir, de l'argot ivoirien composé à partir du mot anglais enjoy) figure dans des paroles du rappeur La Fouine en 2011.
La lecture de son ouvrage fait également apparaître des glissements. Famille passe à millefa en verlan, puis mifa et enfin mif. Quand on est stressé, on est speed (vite en anglais) ou deuspi (en verlan) qu'on peut aussi dire deudeu...
A chaque fois, il tente d'expliquer le processus de création qui peut passer par une apocope (suppression de syllabe en fin de mot: clandé pour clandestin), une dérivation (ajout d'un suffixe comme dans beurette), la métaphore (bounty: un noir adoptant la pensée d'un blanc), etc.
Beaucoup de termes sont empruntés aux langues des immigrés. «C'est le dawa» (le bazar) vient de l'arabe comme «choufer» (surveiller). «Narvalo» (fou) vient du romani.
Plus récemment, des mots d'origine africaine se sont imposés: le «toubab» ou «babtou» est un blanc, une «go», une jolie jeune fille, mais s'il y a «dra», il y a embrouille...
Dès l'introduction, Abdelkarim Tengour constate que l'argot des banlieues emprunte beaucoup au registre sexuel (bouillave, bourrer, foutre, limer, tartiner, queter...), est souvent violent (dérouiller, maraver, técla..) et même raciste (un «ching-chong» est un asiatique).
«Mon livre n'a pas pour objet de justifier, de juger ou de condamner mais d'informer, de donner des outils de compréhension et surtout d'amuser le lecteur», dit-il.
Comme lorsqu'il explique qu'une «técrot zen» est, après verlanisation graphique, une crotte de nez.
(«Tout l'argot des banlieues, le Dictionnaire de la Zone en 2.600 définitions», d'Abdelkrim Tengour, 736 pages, éditions de l'Opportun)
Le site internet du dictionnaire de la zone