S'installer dans un désert médical reste un choix militant
Aidée par les autorités qui lui assurent un revenu minimum ...© 2013 AFP
Aidée par les autorités qui lui assurent un revenu minimum pour démarrer, le docteur Loiseaux a fait un choix «militant»: s'installer comme généraliste à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), un «désert médical» où elle veut pratiquer une «médecine plus humaine».
Pendant deux ans, Tiphaine Loiseaux, diplômée en mai, est assurée de gagner au moins 3.640 euros net par mois, l'Agence régionale de santé (ARS) complétant ses revenus si elle ne trouve pas assez de patients.
«Cette aide me permet de participer sereinement aux charges du cabinet», qui s'élèvent à plus de 6.000 euros par mois partagés entre trois médecins, et d'être sûre de «pouvoir payer mon loyer» personnel, résume la généraliste de 27 ans.
Le dr Loiseaux est l'une des premières signataires du «contrat de praticien territorial de médecine générale» de France, un dispositif lancé par la ministre de la Santé Marisol Touraine, et la première en région parisienne.
En échange, elle s'installe en secteur I, au tarif de la Sécurité sociale, dans cette commune pauvre où faute de généraliste, beaucoup sont contraints d'aller faire la queue à l'hôpital pour un bobo. Le département compte 69 généralistes pour 100.000 habitants, contre 109 en moyenne en France.
L'ARS espère que le dr Loiseaux fera des émules. En Île-de-France, «sept ou 8 contrats sont en cours de discussion et pourraient être signés dans les prochaines semaines», déclare à l'AFP son directeur général Claude Evin. Le gouvernement a fixé un objectif de 200 contrats cette année, dont 15 devraient concerner la région parisienne.
«Il ne s'agit pas d'une récompense financière», souligne-t-il, mais «de permettre à des médecins de s'installer pour rendre pérenne et durable la prise en charge des patients».
Accros à la Seine-Saint-Denis
Installé au coeur d'Aubervilliers, où se côtoient cités, zones commerçantes et pavillons, le cabinet est sans fioritures. Dans la salle d'attente, des chaises dépareillées et des étagères qui ploient sous les dossiers.
Pendant un an, il manquait un médecin. Des annonces dans les journaux et à la fac de médecine ont été publiées, en vain, pour trouver le «profil rare» prêt à s'installer en banlieue, raconte sa consoeur Marie-Eve Vincens.
Début septembre, le dr Loiseaux ne recevait encore qu'une dizaine de patients par jour. En attendant la saison des nez qui coulent, où elle espère atteindre un rythme de croisière de 20 à 25 patients par jour, l'aide financière est bienvenue.
Au-delà de l'équation financière, s'installer dans un quartier populaire est avant tout «un choix». A Aubervilliers, «il y a un côté social, médecin de famille», je rencontre «des mères en conflit avec leur ado, je parle des changements de boulot, du chômage, des familles recomposées», explique le dr Loiseaux, qui vient des Hauts-de-Seine.
Les médecins du 93 sont souvent des «accros à la Seine-Saint-Denis», ravis d'y pratiquer une «médecine plus humaine», selon elle. Son contrat stipule qu'elle doit contribuer à lutter contre des fléaux sanitaires locaux : l'obésité, le saturnisme infantile ou le mauvais suivi des femmes enceintes.
Si aucun de ses amis diplômés ne s'installe dans le «9-3», c'est aussi une affaire de réputation. En 2012, avec 46 faits de violences signalés par des médecins au Conseil de l'Ordre, la Seine-Saint-Denis ressortait comme le département le plus touché par les violences envers les soignants. Les généralistes sont les premières victimes.
«Je ne me sens pas en danger», affirme le docteur Loiseaux, qui fait aussi des visites à domicile, y compris dans des cités, de préférence le midi.
Quant aux revenus qu'elle est assurée de toucher chaque mois pour son travail, elle considère que c'est «un salaire très confortable». En tout cas «largement suffisant pour ce que je veux faire de ma vie».