PORTRAITPierre Mauroy, bleu au ciel

Pierre Mauroy, bleu au ciel

PORTRAITRetour sur le parcours de l'ancien Premier ministre de François Mitterrand, mort à l'âge de 84 ans...
A Lille, Olivier Aballain

A Lille, Olivier Aballain

Un an après le retour de la gauche au pouvoir, Pierre Mauroy, mort à 84 ans, restera d’abord comme le premier chef de gouvernement de François Mitterrand (1981-1984). «En 1980, assez tôt dans la campagne, il m’avait prévenu. "Si je suis élu, c’est vous que je nommerai Premier ministre, voilà"», racontait celui qui restera, pour les socialistes, l’une des références d’une gauche «proche du peuple».

«Vous mettrez du bleu au ciel», lui avait dit le futur chef de l'Etat, une formule devenue le titre de ses mémoires publiées en 2003 (Plon). Retiré de tout mandat électoral depuis qu’il avait quitté le Sénat en 2011, l’homme se faisait volontiers le conteur de la conquête du pouvoir par la gauche il y a trente ans. Ce fils d’instituteur, qui a grandi dans le Cambrésis, pays du Nord ouvrier et rural, confiait pourtant «n’avoir jamais rien demandé».

Bâtisseur

Créateur de la fédération Léo-Lagrange au début des années 1950 (des clubs formés pour encadrer et éduquer la jeunesse sur le modèle des années 1930), Pierre Mauroy a pourtant vite pris des responsabilités au sein des jeunesses socialistes. Non sans auto-dérision, il racontait d’ailleurs en 2012 comment, enfant, il se prenait déjà à «plaider devant les poules» de la maison familiale. Mais lui se voyait alors maire du Cateau-Cambrésis, capitale moyenne de son pays natal, plutôt que successeur d’Augustin Laurent à la mairie de Lille, comme le lui a proposé l’intéressé en 1971.

«Il ne m’a pas laissé le choix», commentait toujours modestement celui qui sera resté à ce poste de 1973 à 2001. Ce siège de bâtisseur sera d’ailleurs son tremplin national. François Mitterrand lui laissera en 1981 le soin de porter les grandes réformes du programme commun: décentralisation, nationalisations, abolition de la peine de mort, cinquième semaine de congés payés, semaine de 39h... Au passage en 1982 il convainc aussi Margaret Thatcher de suivre la France sur le projet de Tunnel sous la Manche. «On s’attendait tellement à ce qu’elle dise non, que quand je suis revenu en disant qu’elle n’avait pas dit non c’était déjà une grande victoire».

Douloureuse crise

Mais la crise était toujours là. Pierre Mauroy prenait soin de la conter d’un ton toujours douloureux, voix grave, traînante: «On voyait les usines fermer, on devait aller annoncer aux mineurs que la mine, c’était fini. C’était dur, là, évidemment». Le virage de la rigueur, assumé en 1983 après avoir convaincu François Mitterrand de rester solidaire du Serpent monétaire européen, restera une fierté fatale pour l’ancien Premier ministre. Fierté d’avoir tenu l’engagement européen de la France. Fatalité de devoir quitter son poste de Premier ministre en 1984, pour retourner à Lille.

«C’est le seul moment de blues de mon histoire politique», confiait-il encore en 2012. «J’avais vraiment l’impression de tomber de haut, d’avoir épuisé les idées». Alors c’est Lille qui va prendre de la hauteur. Le quartier d’affaires d’Euralille, lancé en pleine crise immobilière en 1993, va lancer la reconversion de la capitale industrielle du Nord. Et malgré quelques tensions épisodiques, malgré sa condamnation en 2011 dans une affaire d’emploi fictif à la communauté urbaine de Lille en 1992, son passage de relais réussi à Martine Aubry en 2001 dans la capitale des Flandres ne sera pas la moindre de ses fiertés.