La discrimination à l'encontre des obèses a la dent dure
SOCIETE•Les personnes obèses souffrent toujours autant, sinon plus, de discrimination...Alexandra Luthereau
«Stop aux diktats». Cette année, la Journée européenne de l’obésité qui se tient ce vendredi 24 mai est placée sous le signe de la reprise en main de sa santé «tout en prenant de la distance par rapport au regard des autres», explique Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d’obèses (CNAO) qui coordonne l’événement en France.
Les personnes obèses pâtissent de préjugés solidement ancrés dans les esprits. De manière générale, ces personnes sont considérées comme moins dynamiques, moins intelligentes, plus faibles parce qu’incapables de se maîtriser, de résister à la nourriture ou d’avoir une activité physique. Ces stéréotypes sont d’autant moins faciles à bouleverser que dans l’esprit général, une personne obèse est considérée comme responsable de son état.
Traitements injustes
De ce fait, «la discrimination à leur encontre demeure importante, voire tend à augmenter», explique Jean-François Amadieu, professeur agrégé en Sciences de gestion, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et président de l’observatoire des discriminations. Cette discrimination se concrétise par des moqueries sur l’apparence physique et peut aller jusqu’au harcèlement. Le ministère de l’Education nationale a d’ailleurs réalisé un petit film de sensibilisation en 2012 pour informer sur cette violence et faire changer les mentalités à l’école. Mais sur la question, l’adulte n’est pas épargné lui non plus.
Au-delà des critiques sur son physique, une personne obèse est souvent victime de traitements injustes et humiliants. L’accès refusé dans une boîte de nuit à la mode, la mise à l’écart dans un restaurant chic ou encore l’achat de deux places d’avion au lieu d’une... «La personne obèse représente ce qui dérange, ce qui est visible», analyse Anne-Sophie Joly. «C’est tout ce que je ne veux pas être» se rappelle-t-elle avoir entendu.
Capacité à séduire
Et cela est valable dans le monde du travail. Aussi les employeurs éprouvent des difficultés à embaucher une personne en surpoids ou obèse. «Les entreprises vont éviter de présenter une personne obèse devant un client ou un téléspectateur par exemple. Les recruteurs pensent que cela ne plaira pas», détaille Jean-François Amadieu. Ce n'est pas tant les compétences qui sont jaugées mais la capacité à séduire. D’après les études réalisées par le défenseur des droits, l’apparence physique apparaît entre le 3e et le 5e motif de discrimination.
Anne-Sophie Joly, elle-même en surpoids, témoigne de sa difficulté à trouver un emploi depuis la cessation d’activité de son entreprise. Et ce «malgré un CV long comme le bras», assure-t-elle. Pour elle, il n’y a pas de doute, son physique joue clairement en sa défaveur. Bien qu’elle puisse se plaindre auprès du défenseur des droits notamment, toute la difficulté réside dans la capacité à prouver une discrimination de ce type.
L'obésité devient un marqueur social
Autre fait marquant de la discrimination des personnes obèses: elle touche plus durement encore les femmes et les personnes défavorisées. Aujourd’hui, l’obésité est devenue le «signalement» d’une personne modeste comme peuvent l’être une adresse, des vêtements, un prénom. A la discrimination sur son apparence physique s’ajoutera la discrimination sociale pour une femme obèse. A cela, peut s’ajouter le facteur âge, discriminant lui aussi. «Autant dire qu’une femme de 50 ans, obèse, vivant dans le Pas-de-Calais cherchant un emploi peut s’attendre à finir au RSA», déplore Jean-François Amadieu.
«L’obésité est problème de santé publique. Mais c’est aussi un sujet social. En réglant la discrimination à l’encontre des obèses, c'est du coup réduire la discrimination des femmes et des personnes défavorisées», conclut le président de l’observatoire des discriminations.