EDUCATION«Les enseignants sont livrés à eux-mêmes face à la violence»

«Les enseignants sont livrés à eux-mêmes face à la violence»

EDUCATIONDans «Peurs sur l’école», qui sort ce jeudi en librairie, Chrisophe Varagnac, professeur d'histoire et de lettres, témoigne de la violence qui sévit dans certains établissements…
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

Dans Peurs sur l’école qui sort ce jeudi en librairie*, Christophe Varagnac, professeur d'histoire et de lettres depuis dix ans dans la banlieue bordelaise, raconte l’agression par l’un de ses élèves dont il a été victime lors d’un cours sur le fait religieux. Un ouvrage qui veut aussi apporter des réponses sur la question des violences scolaires….

Dans votre ouvrage, vous faites référence au jour où vous avez été agressé physiquement par un élève. Pourquoi avoir voulu témoigner?

L’agression dont j’ai été victime a été l’objet d’un battage médiatique. Beaucoup d’inepties ont été dites et je voulais donner ma version des faits. Je voulais aussi prendre de la hauteur par rapport à cet événement et proposer des solutions pour lutter efficacement contre la violence scolaire. Certes, l’élève qui m’a agressé était instable psychologiquement et avait un problème avec l’autorité. Mais l’on ne peut pas comprendre cet événement sans prendre en compte l’environnement dans lequel évoluait cet élève.

Vous soulignez notamment que le climat dans les lycées professionnels est plus propice à ce genre de faits divers…

L’ambiance y est plus explosive car ces lycées récupèrent des élèves cassés par le système. Plus de la moitié d’entre eux n’ont pas choisi d’être là. Cette orientation par défaut a forcément des conséquences sur leur comportement. Et la violence qu’ils contiennent en eux peut parfois se retourner contre leurs enseignants.

Quels sont selon vous les autres ferments de la violence scolaire?

La société est en perte de repère, ce qui rejaillit forcément sur les jeunes, toutes classes sociales confondues. Beaucoup d’entre eux sont livrés à eux-mêmes chez eux car leurs parents sont accaparés par le travail. Il n’y a plus personne à la maison pour relever les compteurs. Leur mal-être se traduit par un je-m'en-foutisme généralisé et une absence de savoir-être

Vous affirmez même que les jeunes ont intégré la violence verbale et physique «comme une norme comme les autres». N’est-ce pas un peu excessif?

Je confirme mes propos. La violence verbale est banalisée dans les films, dans les jeux vidéo, dans les rapports qu’ils ont avec les autres jeunes de leur quartier. Elle est devenue un mode d’expression à part entière, d’où leur propension à s’apostropher. On est passé d’une société du respect à celle de la crainte où seuls priment les rapports de force.

Pensez-vous que l’institution joue son rôle face à ce problème?

Non, car les enseignants sont livrés à eux-mêmes face à la violence. Il est par exemple aberrant que l’on expédie les enseignants sans expérience dans les établissements les plus difficiles. Ils ne sont pas non plus toujours soutenus par leur hiérarchie en cas d’agression. Car certains proviseurs préfèrent noyer le poisson, limiter les conseils de disciplines pour ne pas perdre des points auprès de leur propre hiérarchie.

Quelles sont selon vous les mesures à mettre en place pour améliorer le climat scolaire?

Il faut provoquer un grand débat national autour de la question de la violence scolaire et entamer un grand chantier en prenant en compte l’intérêt des élèves. Il faut rendre plus attractive la filière professionnelle, réformer les rythmes scolaires, diminuer les effectifs par classe… On ne résoudra pas le problème de la violence scolaire d’un coup de baguette magique, mais en améliorant le système scolaire par petites touches.

*Peurs sur l’école, éditions Jean-Claude Gawsewitch, 306 p, 19,90 €.