Nicolas Beytout: «Cela fait vingt ans qu’il n’y avait pas eu de lancement d’un quotidien généraliste»
PRESSE – Naissance d’un nouveau site et d’un nouveau quotidien à tendance libérale. Lopinion.fr se lance mardi à 18h, et L’Opinion sera en kiosque mercredi matin…Recueilli par Alice Coffin
1,50 euros en kiosques pour un quotidien de 8 à 12 pages, 21 euros pour accéder à l’ensemble des services via le site, L’Opinion se lance cette semaine. Son fondateur Nicolas Beytout a reçu 20 minutes dans les locaux du titre, dans le 16ème arrondissement à Paris, et nous en dit plus.
Vous lancez un quotidien, mais vous êtes au courant que c’est la crise de la presse!
Cela fait vingt ans qu’il n’y a pas eu de lancement de journal généraliste payant. Il y a eu des tentatives dans le sport, il y a eu les gratuits, mais dans la presse d’information politique et générale payante, rien. C’est vrai que le contexte est secoué.
Pourquoi ne pas se contenter d’un site ?
Parce que la presse reste un endroit où les chiffres d’affaire sont considérables. Le papier reste un instrument de puissance financière. Même s’il trimballe avec lui des coûts, des contraintes et des obligations tout aussi considérables. Ce qui explique que tous les quotidiens nationaux en France (pas à l’étranger) perdent de l’argent.
Votre solution, c’est quoi?
Prendre ce qu’Internet a de meilleur, c'est-à-dire les coûts très serrés, la rapidité, l’innovation, et ce que la presse papier a de meilleur, c'est-à-dire la légitimité, la puissance et la faculté de générer des chiffres d’affaire considérables à la fois en publicité et en diffusion.
La légitimité, c'est-à-dire, Internet n’en a pas?
Internet c’est la capacité d’avoir de l’audience, le papier c’est l’influence. Faites l’exercice : dites à une personne que vous souhaitez l’interviewer. Elle vous donne son accord. Si trois jours après vous lui dites que ça ne paraîtra que sur Internet elle dit non. Pourquoi? Parce que tout cet univers sait que ce qui est imprimé reste beaucoup plus que ce qui risque d’être noyé dans le flux.
Et qu’allez vous y écrire sur ce papier, c’est quoi la ligne éditoriale?
C’est le courant libéral. Ce média sera libéral, probusiness et proeuropéen. Un média engagé et ouvert, pas enfermé dans une seule idée, mais vraiment un média d’opinion qui dise sur tel ou tel sujet voilà les différentes opinions mais voici la nôtre.
Ce positionnement n’existe pas dans la presse française?
Le libéralisme dans la société française n’a pas bonne presse! Défendre ce courant de pensée qui n’est pas un courant politique ne veut pas dire je suis de droite ou je suis de gauche. Notre traitement sera moderne par sa capacité à intégrer les avis contraires.
Par exemple, comment auriez-vous traité le mariage pour tous ?
J’ai dit sur plein de plateaux et de studios que j’étais hostile au mariage pour tous. J’aurais donc fait un édito pour le dire mais à titre personnel. Cela n’engage pas le journal. Dans le même temps on aurait ouvert un espace dans le journal pour que d’autres y compris des gens de la rédaction puissent dire: je suis pour.
Quel lectorat visez-vous ?
Des CSP+. Nous ne visons pas des centaines de milliers de ventes mais quelques dizaines de milliers de lecteurs. Avec un produit haut de gamme pour un lectorat haut de gamme et des journalistes haut de gamme, c’est le point essentiel du projet.
Vous avez recruté qui ?
Pour faire de l’info avec une grande valeur ajoutée, il faut des journalistes avec une grande expérience. Donc 30 journalistes dont les 4/5 èmes sont référents dans leur secteur. Et puis aussi quelques jeunes qui sortent d’école.
Ces journalistes là ont des salaires élevés, vous parliez de réduction de coûts….
Ce sont les coûts de fabrication qu’on a réduits. Parce qu’on commence sur une page blanche, on n'a pas à adapter une rédaction aux nouvelles technologies, à faire accepter aux salariés de nouvelles méthodes de travail, à opérer une fusion des rédactions web et papier. Le fait de ne pas avoir à transformer toutes ses pesanteurs permet de traiter le problème des coûts de manière très agressive.
Comment ont réagi les investisseurs?
Au début, ils ont trouvé ça étrange, anachronique et à contre courant de la pensée unique qui voulait que la presse disparaisse. J’ai réussi à trouver une quinzaine d’investisseurs qui pensent que la presse ne doit pas mourir, ne doit pas être faite par des robots.
Claude Perdriel en fait partie?
Je ne commente pas cela. Car parmi tous ces investisseurs, il y en a de droite, d’autres pas, ils ne sont pas là pour des raisons politiques mais pour le débat public. Et puis je suis le premier actionnaire, minoritaire mais avec une majorité absolue sur tout ce qui concerne la ligne éditoriale.
Vous avez de quoi tenir combien de temps?
Le plan que j’ai élaboré et qui a été soutenu par les investisseurs me donne trois ans pour arriver à l’équilibre. Donc j’ai levé trois ans de capitaux.