INTERVIEWAffaire Neyret: «J'ai été considéré pire qu'un voyou»

Affaire Neyret: «J'ai été considéré pire qu'un voyou»

INTERVIEWChristophe Gavat, ancien patron de la PJ de Grenoble, a été mis en examen dans l'affaire Neyret. Il sort un livre cette semaine dans lequel il clame son innocence...
Propos recueillis par William Molinié

Propos recueillis par William Molinié

Il avait prévenu les «boeufs-carottes» et le juge d’instruction à l’issue de sa garde à vue qu’il ferait «de tout cela un livre et un film». Le commissaire Christophe Gavat, 46 ans, mis en examen dans l’affaire Neyret, publie cette semaine, dans l'attente d'une décision de justice, un livre* où il dénonce l’enquête «à charge» qui l’a conduit à se retrouver pendant 96 heures en garde à vue en octobre 2011 puis mis en examen pour «association de malfaiteurs», «trafic de stupéfiants» et «détournements de scellés». Il est soupçonné sur la foi d’un enregistrement téléphonique d’avoir rétribué en drogue un indicateur sur ordre du numéro 2 de la PJ lyonnaise, Michel Neyret. Il était à l’époque chef de la police judiciaire de Grenoble. Son histoire a inspiré le réalisateur de 36, Quai des Orfèvres, Olivier Marchal, qui va faire un film…

Pourquoi ce livre*?

Je rêvais d’écrire depuis des années ce que j’avais vécu au sein de la police. L’affaire Neyret a tout bouleversé. Les mesures prises contre moi étaient disproportionnées.

Par rapport au policier que vous êtes?

Non, par rapport à tout citoyen lambda. Et donc encore plus quand on est policier.

Une garde à vue, c’est pourtant la même pour tout le monde…

Sauf qu’avec tout le monde, on est respectueux et humain. J’ai eu en face de moi une machine déshumanisée. J’ai été considéré tout de suite pire qu’un voyou. Je le dis sans fausse modestie, j’ai 18 lettres de félicitations, une médaille de dévouement… Le devoir n’exclut pas l’élégance.

On vous reproche dans cette affaire d’avoir accepté de rétribuer un indicateur en lui fournissant une partie de la drogue saisie…

Je n’ai pas transmis cette drogue. J’ai menti à Michel quand je lui ai dit, au téléphone, que j’avais transmis la drogue. D’ailleurs, la police des polices est allée vérifier juste après notre garde à vue si à la déchetterie, on avait bien cramer la came. Ils ont entendu la responsable de la déchetterie qui le leur a confirmé.

Vous avez détruit toute la drogue?

Oui, toute. On a tout ouvert et tout pesé. Le procès-verbal est dans la commission rogatoire actuellement traitée par la police des polices. Mais cette commission rogatoire n’est toujours pas rentrée dans le cabinet du juge d’instruction. Ça fait 18 mois.

Vous critiquez la police, la justice. Et pourtant, vous êtes toujours en poste à la police aux frontières à Cayenne…

Je ne descends pas l’institution judiciaire. Je critique les décisions prises par un homme, le juge d’instruction. On est dans un pays où la présomption d’innocence existe.

Vous n’avez pas peur de la réaction du juge en lisant votre livre?

Si, j’ai peur que ça l’agace terriblement. Mais j’assume car je suis innocent. Si demain on me reproche des choses, je sais que je vais prendre la déferlante.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur Michel Neyret?

Michel avait à la fois l’intelligence de maîtriser tous les aspects du droit et une capacité extraordinaire à prendre les décisions sur le terrain. Même s’il est condamné il conservera toute mon amitié et toute mon estime. J’attends de voir le jugement…

En sortant du bureau du juge, après votre mise en examen, vous racontez qu’il vous demande si vous avez confiance en la justice. Vous ne lui répondez pas. Alors?

Oui j’ai confiance. Et là, c’est mon côté formaté de commissaire de police qui vous répond. Ce que je dis dans ce livre, c’est que pendant ces 96 heures, j’ai perdu la réponse.

* «96 heures, un commissaire en garde à vue», Christophe Gavat, Michalon, 18€.