Retour sur l'affaire Loïc Sécher
JUSTICE•L'homme a été fixé sur ses indemnités de dédommagement ce mardi...E.O.
Novembre 2000
Le comportement d’Emilie, 14 ans, collégienne à Ingrandes, dans le Maine-et-Loire, inquiète ses proches. Anorexique, la jeune fille se scarifie, fait des fugues. Ses enseignants décident d’organiser une petite réunion, pour évoquer avec elle ses soucis. L’adolescente raconte alors avoir été victime d’abus sexuels et donne une description de son agresseur qui rappelle à ses parents leur voisin, Loïc Sécher. L’homme, 40 ans, célibataire, est un ancien ouvrier agricole, au chômage au moment des faits.
Décembre 2003
La cour d’assises de Nantes condamne Loïc Sécher à 16 ans de réclusion criminelle pour viols, tentatives de viol et agressions sexuelles sur Emilie. Il est immédiatement incarcéré à Nantes. La peine est confirmée par la cour d’appel de Rennes en mai 2004, puis par la Cour de cassation en 2005. Pourtant, ses avocats mettent en lumière des failles dans la procédure judiciaire: pas d’analyses ADN, pas de confrontation entre Loïc Sécher et son accusatrice, la condamnation repose sur les dires d’Emilie. Le coupable, lui, clame son innocence.
31 mars 2008
Emilie, qui a maintenant 22 ans, revient sur ses accusations. Dans une lettre au procureur de Paris, la jeune femme, toujours très fragile psychologiquement, affirme qu’elle a menti, qu’elle ne supporte plus de savoir Loïc Sécher en prison. La psychiatre qui l’a examinée assure qu’elle n’a pas révélé la vérité pendant la procédure par peur de décevoir les adultes, en particulier ses parents, qui la croyaient. Loïc Sécher dépose alors une requête en révision. Mais, en octobre, la commission de révision rejette la demande de suspension de peine, le temps de mener de nouvelles investigations. Malgré la rétractation de son accusatrice, l’homme doit donc rester en prison.
Avril 2010
La Cour de révision annule le verdict et ordonne un nouveau procès – un fait rare: seuls sept personnes ont obtenu une révision depuis 1945. Loïc Sécher est remis en liberté, sous contrôle judiciaire, après 7 ans et trois mois passés derrière les barreaux.
Juin 2011
Loïc Sécher est définitivement acquitté lors de son procès en révision. Il assure qu’il a pardonné à son ancienne accusatrice, et qu’il ne portera pas plainte contre elle. Son avocat, Eric Dupont-Moretti, demande cependant à la justice une indemnisation pour son client, pour obtenir réparation du préjudice subi. Pendant l’été, Loïc Sécher témoigne de ses difficultés financières. Il a dû vendre sa maison en 2010 pour payer ses frais de justice et vit désormais «du RSA et de la CAF de Quimper», dans le Finistère, où il a élu domicile. «Je me sentirai vraiment libre quand j'aurai obtenu [en indemnités] au minimum ce que j'avais acquis avant ma mise en examen», explique-t-il alors.
6 juillet 2012
Devant la cour d'appel de Rennes, l’avocate de Loïc Sécher, Me Alice Cohen-Sabban, du cabinet Dupond-Moretti, réclame 2,4 millions d'euros. Elle estime que son client a été «détruit, broyé par le système» et pointe ses conditions de détention très éprouvantes – victime de violences en prison car considéré comme un violeur d’enfant, il a fait une tentative de suicide et une grève de la faim.
25 septembre 2012
La cour d’appel de Rennes fixe à 797.352 euros les indemnités qui reviennent à Loïc Sécher - 197.352,32 euros de préjudice matériel et à 600.000 euros de préjudice moral. Soit trois fois moins que ce que réclamait son avocate. La mère de l’ancien condamné obtient 50.000 euros de préjudice moral et tandis que ses deux frères et sa sœur reçoivent 30.000 euros chacun. La demande de la famille d'une indemnisation pour le père de Loïc Sécher, décédé en mars 2011, a en revanche été jugée irrecevable.