INTERVIEW«Le transhumanisme, ce n’est pas l’immortalité absolue»

Transhumanisme: «On ne parle pas d’immortalité, mais d’une extension de la vie en bonne santé »

INTERVIEWPour le président de l’association transhumaniste « Technoprog ! », ce courant de pensée est encore incompris en France…
Romain Scotto

Propos recueillis par Romain Scotto

Marc Roux réfute l’idée d’une vie sans fin, irréaliste et sans intérêt. En revanche, une vie rallongée de plusieurs siècles en bonne santé serait tout à fait envisageable et souhaitable, selon le président de l’association transhumaniste « Technoprog ! »

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Comment définiriez-vous le transhumanisme ?

C’est le résultat d’une série de constatations. 1. La science nous a enseigné que l’humain n’est pas immuable. C’est le résultat d’une histoire de quelques millions d’années. 2. L’histoire de l’humain est celle d’une coévolution de la biologie avec la technique. 3. Les technologies nous permettent maintenant d’intervenir rapidement dans cette évolution. Nous commençons à pouvoir l’orienter. De manière individuelle ou à titre collectif. Certaines techniques nous permettentd’intervenir dans l’embryon humain et pourraient permettre d’avoir des mutations transmissibles de générations en générations. C’est cette prise de conscience qui justifie un néologisme.

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La méthode CRISPR CAS9 permet de modifier l’ADN de tout être vivant avec une facilité déconcertante

Vous pensez réellement que l’immortalité est un objectif atteignable ?

Le transhumanisme réel, ce n’est pas l’immortalité absolue. La « mort de la mort », c’est un slogan qu’utilisent certains. C’est une manière d’attirer les médias. Mais ça a un gros travers. Ça induit une confusion. Ça laisse penser que nous sommes dans des considérations métaphysiques. On parle tout au plus d’une extension de la durée de vie en bonne santé. Ça n’a rien à voir, on ne fait pas disparaître les limites. Aujourd’hui, on parle de techno progressisme. C’est un transhumanisme qui se soucie de justice sociale, équilibre environnemental, des risques sanitaires. Il n’est pas non plus question d’abolir toute souffrance. Le transhumanisme propose de pousser plus loin ce dont nous sommes déjà capables de faire. Aujourd’hui, quand on avale un cachet de paracétamol, ça soulage. L’idée, c’est de dire qu’il peut être intéressant de moduler la manière dont on s’expose à la souffrance.

En touchant au génome, la question de l’irréversibilité se pose. Ne vous inquiète-t-elle pas ?

Il me semble que nous faisons déjà beaucoup de choix irréversibles. Au moins à titre individuel. Des choix que nous imposons à des personnes, à travers l’éducation, des soins à des enfants. Quand on passe son enfance dans une famille où il faut devenir champion olympique de gym, il se passe des choses irréversibles. Le fait de prendre des décisions irréversibles au niveau de la molécule d’ADN ou d’une éducation ne me semble pas si différent l’un de l’autre.

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Pour certains, le transhumanisme fait peur. Il est parfois assimilé à une secte…

C’est un mouvement de pensée. Philosophique, peut-être. Mais ce n’est ni une secte, ni une religion. Une secte désocialise, accapare, c’est un système de pensée qui fonctionne de manière dogmatique. C’est un système hiérarchisé qui oblige une obéissance. N’importe qui prenant du temps pour voir comment fonctionne le transhumanisme, notre association, va se rendre compte que l’accaparation des biens, c’est la cotisation annuelle. Le dogme ? C’est la pagaille permanente, la remise en question, le débat. Et c’est un système horizontal. Il y a tout sauf une tête pensante. Le mot transhumanisme pose problème parce qu’il y a « humain » dedans. Ça peut déranger. On met le doigt sur quelque chose de très sensible. Ensuite, notre pensée aborde des questions auxquelles les religions cherchent à apporter des réponses : on questionne notre rapport à la mort. Qui dit religion, dit dogme. Il faut un corpus fixe. Je mets au défi quiconque de démontrer que les textes de l ’organisation internationale transhumaniste constituent un dogme. On se rend compte rapidement qu’il y a des différences, des contestations. Par exemple, l’organisation internationale accepte l’hypothèse de la cryonie, cette idée qu’on peut congeler les corps et les faire réveiller à la vie dans 10.000 ans. Là-dessus, nous exprimons tout notre scepticisme.

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Personnellement, avez-vous procédé à un séquençage ADN ?

Non, mais je serais cohérent avec moi-même si je le faisais. Je ne l’ai pas fait. Ça m’amuserait, ça m’intéresserait de me confronter personnellement à cette information. Il y a une question éthique derrière. Comment prépare-t-on les populations à recevoir des informations ?

Alors, comment ? Les gens ne sont pas prêts à cela aujourd’hui…

En effet, il faut former le corps médical. Qu’il y ait tout un accompagnement proposé, de manière encadrée. De manière que les personnes y aillent volontairement. Les informations même les plus désagréables doivent être bien amenées, pour qu’il n’y ait pas de réactions dangereuses derrière. Sur le fond ça peut être une bonne chose. Pour certaines maladies, le fait d’être prévenu vaut mieux que d’être guéri.

N’existe-t-il pas un risque de standardisation génétique de la population ?

Le risque n’est pas nul. Mais en échange, on a tendance à fantasmer ce risque. On lui donne dans nos productions littéraires et cinématographiques, une dimension extrapolée. Mais dans la réalité, les choses se passent de façon moins extrême. Le transhumanisme ne propose pas une uniformisation. Ce serait une dérive. On propose le contraire, la possibilité pour chacun d’orienter à sa guise ses dispositions génétiques.

Comment situer politiquement le transhumanisme ?

On ne peut pas le situer politiquement car il faut placer cette pensée de façon transversale par rapport au champ politique traditionnel. Il y a une analogie avec l’écologisme. Il y a des partis écologistes de droite, de gauche, extrême droite, extrême gauche. C’est exactement du même ordre. Il n’y a pas de position politique du transhumanisme.

Quel sens peut avoir une vie rallongée ? La vie n’est-elle pas appréciable parce qu’elle est relativement courte et finie ?

Ce n’est pas du tout pareil de parler de rallongement de la vie et d’immortalité. L’immortalité ne m’intéresse pas. Si la vie n’a pas de fin, il n’y a plus de sens. On parle tout au plus de la mortalité biologique, arriver à vaincre la maladie et le vieillissement. On parle d’a-mortalité, c’est-à-dire la continuation de ce que la médecine fait très bien depuis une paire de siècle. Simplement, en dépassant des limites biologiques. Depuis le 18e siècle, nous avons multiplié notre espérance de vie par trois. Pourquoi ne pas imaginer faire la même chose ? Pourquoi ne pourrions-nous jamais atteindre une durée de vie en bonne santé de 240 ans ? Est-ce que nos sociétés se sont délitées parce que nous sommes passés de 30 ans de durée de vie à 85 ans ? Avons-nous perdu notre humanité, le goût de la vie ? Il ne me semble pas, au contraire. La vie est plutôt plus belle qu’avant. Il y a dans le monde davantage de personnes qui profitent d’une vie moins dure, grâce à la technique.

Evolution de l'espérance de vie en France depuis 1750
Evolution de l'espérance de vie en France depuis 1750 - Ined

Tout est une question de répartition équitable d’accès au progrès…

Oui, on est d’accord. C’est un problème très sérieux. Notre association techno progressiste insiste sur l’importance du progrès social qui doit accompagner l’évolution transhumaniste. Il faut un mode de régulation pour permettre l’accès à ces technologies.