URGENCELe gouvernement se penche sur le problème des addictions au travail

Le gouvernement se penche sur le problème des addictions au travail

URGENCEFace à l’augmentation des conduites addictives et la consommation de drogues au travail, 6.000 médecins du travail seront prochainement formés à ces questions…
Romain Scotto

Romain Scotto

Une anesthésiste à l’origine du décès d’une patiente, à cause de son addiction à l'alcool. Un jeune pompier prenant le volant du camion en état d’ivresse et tuant accidentellement une collègue. L’actualité récente rappelle que l’alcool, et par extension toute forme d’addictions, en milieu professionnel est bien « un problème à prendre à bras-le-corps », selon les mots de Danièle Jourdain Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildéca). A cet effet, elle a donc lancé jeudi un programme de formation pour 6.000 médecins du travail, amenés à mieux cerner les comportements à risques.

A ce jour, seul un tiers des médecins du travail se disent compétents pour répondre à un problème en passe de devenir un fléau en entreprise. Alcool, cannabis, cocaïne, héroïne, médicaments psychotropes, tout y passe, chez les hommes comme chez les femmes, dans le public ou le privé, chez les ouvriers comme chez les cadres. L’hôtellerie, le bâtiment, l’art et la pêche étant les secteurs les plus touchés. Jusque-là, les professionnels reconnaissent que le problème a parfois été sous-estimé. Quand la situation n’est pas considérée comme devant être dissimulée en raison du regard porté sur ces personnes, mais aussi de la peur de la sanction.

Repérage précoce

La mesure prise par le service attaché au Premier ministre n’est pas destinée à instaurer une police des mœurs au sein de l’entreprise. « Mais de voir quels sont les bons programmes de prévention car cela concerne tout le monde », enchaîne Danièle Jourdain-Menninger. Sur le terrain, des techniques de « repérage précoce » des conduites addictives seront mises en place. Une série de questions sur les pratiques du salarié, sa santé, sont censées le mettre en confiance pour dépister un risque de basculement. Ou de rechute.

Le problème n’est pas forcément plus présent dans l’entreprise aujourd’hui, mais il est moins tabou. A ce jour, 15 % des salariés avouent une addiction à un produit (légal ou non) et seulement 5 % d’entre eux seraient pris en charge. Les professionnels observent de leur côté deux tendances lourdes : la concomitance des addictions et la jeunesse des nouveaux « addicts ».

Une génération de grands vieillards… de moins de 30 ans

« Actuellement, je vois arriver dans mon service une génération de grands vieillards qui ont moins de 30 ans, souvent multiconsommateurs de produits », se désole Eric Hispard, praticien hospitalier à Fernand Widal (Paris) et ancien médecin du travail. « Ils demandent de l’aide. Ça traduit une urgence. Tout va de plus en plus vite. Les accros du cocktail alcool-drogue, les histoires de grands consommateurs débordés. C’est terrible dans le monde du travail. » Et encore pire en période de chômage. Chez les sans-emploi, le risque de tomber dans l’addiction serait encore plus important. Voilà sûrement le prochain chantier de la Mildéca.