PRELEVEMENTJournée mondiale du don d’organes : Pourquoi certains refusent de donner

Journée mondiale du don d’organes : Pourquoi certains refusent de donner

PRELEVEMENTEn France, 100.000 personnes sont inscrites sur le registre national des «non-donneurs»...
Romain Scotto

Romain Scotto

Malgré les campagnes de communication sur le sujet, le taux de refus de prélèvement d’organe augmente de manière inquiétante ces dernières années (9,6 % en 1990. 41,8 % en 2014 selon l’agence de Biomédecine). Dans 2 cas sur 3, le veto émane de la famille qui, interrogée sur la position du défunt, refuse en son nom. Par ailleurs, 100.000 personnes ont déjà pris le soin de s’inscrire sur le registre national des refus. A la veille de la journée mondiale du don d’organe, samedi, les raisons de ce choix restent difficiles à cerner.

Ne pas dégrader l’image de son corps. C’est la principale idée évoquée par les opposants, selon les préleveurs. Bien souvent, les familles ont l’impression que le corps du défunt sera mutilé. « Ça va puiser profondément dans l’image qu’on a du corps dégradé », observe Romain Bonfillon membre de la Fnair (Fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux). La loi précise pourtant que le corps doit être opéré avec le même soin qu’une personne en vie. Le prélèvement est un acte chirurgical effectué au bloc opératoire. Les incisions sont refermées par des points et recouvertes par des pansements. Enfin les cornées des yeux, que beaucoup considèrent comme le reflet de l’âme, sont remplacées par des lentilles transparentes.

Ne pas froisser ses convictions religieuses. Les croyances de chacun sont parfois un frein au don. Pourtant à ce sujet, les représentants du catholicisme, judaïsme et islam sont très clairs. Tous se sont prononcés en faveur du don, la vie humaine étant considérée comme primordiale. Rien ne doit s’opposer à ce qui peut la sauver. En réalité, ce sont les rites funéraires et la question de l’ouverture des corps qui entre en contradiction avec les croyances.

Ne pas coopérer avec le corps médical. Impossible de prévoir la façon dont une famille réagit en cas de décès brutal d’un proche. « J’ai constaté qu’il y a parfois une incompréhension, que les familles en veulent au personnel médical. C’est une haine artificielle, s’il y a eu des maladresses, une petite phrase mal comprise, au niveau des urgences », témoigne Jean-Marie Letort, coordinateur en prélèvement et urgentiste à Brest. D’où un « non » parfois un peu hâtif. La psychologie du personnel est primordiale dans ces moments-là. « On reçoit des témoignages de gens qui dénoncent malheureusement un côté un peu rapace, vautour, de la part des équipes de coordination. Elles manquent encore de moyens humains et de formation pour aborder sereinement la question du don d’organe », regrette Romain Bonfillon.

Ne pas faire plaisir aux autres. Le contexte social peut-il influer sur le taux de refus ? Jean-Marie Letort se pose sérieusement la question. « En période difficile comme aujourd’hui, le taux augmente. L’individualisme est présent. On n’a pas forcément envie de faire plaisir à son voisin parce qu’on a l’impression que la société ne vous aide pas. » Un raisonnement d'autant plus paradoxal que la position d’un malade sur le don n’entre pas en ligne de compte dans la décision de lui accorder une greffe. Ainsi, une personne inscrite sur le registre national des refus peut très bien être greffée si elle en a besoin!

Ne pas servir un éventuel trafic. Cela fait partie des très nombreux témoignages délirants animant les forums sur le sujet. Dans la mesure où les organes sont parfois instrumentalisés par des réseaux mafieux, certains redoutent « une commercialisation d’un don de soi et d’humanité qui sera détourné de sa valeur première pour satisfaire l’avidité financière de certains » dixit Monique. Pour balayer cette théorie du complot, seul un rappel à la loi s’impose : comme son nom l’indique le don d’organe est gratuit pour le receveur. Et non rémunéré pour le donneur ou sa famille.