Palper le cerveau grâce aux techniques des sismologues, c’est possible
NEUROLOGIE•Un chercheur français applique les algorithmes de la science des tremblements de terre en imagerie médicale…Romain Scotto
Ils ne le savent pas encore, mais les sismologues sont peut-être les radiologues de demain. A croire l’étude menée par Stéfan Catheline, directeur de recherche à l’Inserm, les algorithmes utilisés par les spécialistes des tremblements de terre ont tout à fait leur place dans les cabinets médicaux. Voire les blocs opératoires. Spécialiste de « l’élastographie », il a mis au point une méthode d’imagerie non invasive du cerveau par IRM permettant d’effectuer une « palpation », sans passer par la case trépanation ou ouverture forcée de la boîte crânienne.
Dans les faits, le médecin ne met ses mains nulle part. C’est un écran de contrôle qui lui offre toutes les informations, similaires à ce qu’il obtient traditionnellement par palpation. « On va utiliser des ondes de cisaillement », avance Stéphan Catheline qui les différencie des ondes de compression. Les premières sont propres aux solides et n’ont pas d’impact sur le volume de la matière. Les secondes se rencontrent dans les fluides (eau, air) et ont pour conséquence de faire varier la pression, donc le volume, de la matière.
« Le cerveau n’est pas une gélatine flasque et inerte »
« Avec les ondes de cisaillement, on cisaille la matière qui revient à sa position d’équilibre. Ces ondes mettent en jeu l’élasticité. C’est exactement ce qu’un médecin peut ressentir avec ses doigts. » Chose importante, cette élasticité n’est pas reliée aux sons. Le corps médical est parfois amené à faire vibrer la tête du patient pour obtenir des ondes. Cette fois, il s’agit d’utiliser les ondes naturelles du cerveau à travers ses mouvements. « C’est un organisme vivant, pas une gélatine flasque et inerte. Ça bouge en permanence avec le flux du sang. Il crée des ondes naturelles de cisaillement. Notre approche est de détecter ces ondes pour en extraire les infos. »
Pour cela, des centaines d’images IRM sont superposées. Puis les algorithmes des sismologues sont appliqués. Dans l’analyse des plaques tectoniques, les ondes sont multiples. Les sismologues ont appris à extraire de ce « bruit » une information, une carte du sous-sol. En remplaçant ce sous-sol par notre cerveau, la problématique est exactement la même. La technique, efficace et indolore, présente un avantage pour le médecin qui peut désormais lire des informations nouvelles.
Une avancée pour le dépistage de la sclérose en plaques, Alzheimer
Des nodules cancéreux peuvent soudainement être détectés puisqu’ils « se traduisent par un changement d’élasticité donné par des ondes de cisaillement et pas forcément les ondes de compression. » Plus largement, la détection de maladies neuro dégénératives (sclérose en plaques, Alzheimer) devrait être améliorée. Les changements structurels des tissus qu’elles induisent seront plus lisibles grâce aux techniques de palpation sismique du cerveau.