Etude sur les bisphénols: «Tant qu’on n’a pas démontré qu’un produit est dangereux, on l’utilise»
INTERVIEW•L’équipe du Pr René Habert vient de publier une étude montrant que les bisphénols F et S, utilisés en remplacement du fameux bisphénol A, sont également dangereux…Propos recueillis par Nicolas Bégasse
Un perturbateur endocrinien peut en cacher un autre. Deux produits de substitution du bisphénol A (BPA), les bisphénols S et F, provoquent le même niveau de perturbation hormonale sur des cellules masculines que le BPA, selon une équipe Inserm/CEA/université Paris-Diderot qui signe cette semaine une étude dans la revue spécialisée Fertility & Sterility. Le professeur René Habert, responsable de l’étude, répond aux questions de 20 Minutes.
Pouvez-vous rappeler en quoi le bisphénol A est dangereux?
Le bisphénol A est le perturbateur endocrinien le plus emblématique, car le plus documenté. Il est incriminé dans quatre perturbations: la reproduction chez l’homme et la femme, les maladies cardio-vasculaires, les troubles du comportement comme l’hyperactivité ou les défauts d’apprentissage, et le mauvais développement de la glande mammaire. Voilà pour les effets avérés. Il y en a d’autres, qui doivent encore être confirmés par de nouvelles études: allergies, problèmes de digestion ou au niveau de l’émail des dents…
Pourquoi le bisphénol A a-t-il été remplacé par des molécules qui pourraient être aussi dangereuses?
Tant qu’on n’a pas démontré qu’un produit est dangereux, on l’utilise. Il n’y a aucune réglementation sur les autres bisphénols. Les industriels ne sont pas obligés de dire si leurs produits en contiennent, d’ailleurs les biberons sans bisphénol A peuvent contenir un autre bisphénol. C’est très long et très cher de tester un produit.
Pourquoi, d’ailleurs, utilise-t-on des bisphénols?
Les bisphénols sont un produit miracle pour l’industrie: c’est léger, inaltérable, pas cher, ça peut être opaque ou transparent, etc. Ce qui est dangereux, c’est quand ça pénètre dans l’organisme, par exemple quand on les rencontre dans les contenants alimentaires.
Que vont devenir les bisphénols F et S?
Nous sommes les premiers à présenter ces données, et tant qu’il n’y a qu’une publication, ce n’est pas suffisant. L’étude devra être confrontée et éventuellement validée par d’autres études. On est parti pour au moins trois ou quatre ans de recherche avant de pouvoir prendre une décision.