MALADIE RARETéléthon: «Vivre avec une maladie rare, c’est être seul»

Téléthon: «Vivre avec une maladie rare, c’est être seul»

MALADIE RAREA l'occasion du Téléthon, vendredi, une maman décrit le quotidien de son fils Alexandre, atteint de la fibrodysplasie ossifiante progressive, ou «maladie de l'homme de pierre»...
Romain Scotto

Propos recueillis par Romain Scotto

A 4 ans et demi, Alexandre fait partie des 80 cas de fibrodysplasie ossifiante progressive (Fop) diagnostiqués en France. Une anomalie génétique également appelée «maladie de l'homme de pierre», qui se caractérise par une ossification progressive des muscles et des tendons. A l'occasion du Téléthon, qui débute vendredi pour récolter des dons pour lutter contre les maladies rares, sa maman, Marie-Emmeline Lagoutte, présidente de l'association FOP France, témoigne pour 20 Minutes. Elle évoque le quotidien d'une famille ballottée entre solitude, angoisse et espoir.

«Vivre avec une maladie rare, c’est être seul. La Fop touche un cas sur 2 millions. C’est une naissance tous les 8 ans. Quand on a appris la maladie d’Alexandre, au bout d’un an, on s’est dit qu’il fallait jouer au loto. Oui, je suis assez cynique. Mon mari beaucoup moins. Très vite, on a ressenti un grand manque, une solitude abyssale. Puis on est passés par tous les sentiments avant de se rendre à l’évidence. C’est une maladie qui n’intéresse pas.

«Mon fils est hypervexé parce qu’il n’arrive parfois plus à faire ce qu’il faisait la semaine d’avant»

Mon fils a eu une poussée osseuse au niveau de l’omoplate et de la hanche. Du coup, il a du mal à pencher la nuque, à regarder ses pieds. Mais il n’est pas en fauteuil roulant. L’évolution de la Fop est très différente d’un individu à l’autre. Au quotidien, on fait de la bidouille, du système D pour s’adapter à notre enfant qui est limité dans ses gestes. Alexandre avait du mal à boire son lait le matin, il s’en mettait partout. On a changé son bol avec un mug. Il a aussi du mal à mettre ses chaussons. On le fait avec un chausse-pied.

En fait, mon fils est hypervexé parce qu’il n’arrive parfois plus à faire ce qu’il faisait la semaine d’avant. Fermer sa fermeture éclair par exemple. C’est dur pour lui et horrible pour nous, parents. Je ne fais aucun projet. C’est impossible. Pour l’accompagner je me suis mise en congé parental. Je dois être présente, écouter ses besoins. Il en parle au moment du bain. Il commence à poser des questions, à entrer dans l’acceptation de la maladie. Il n’a jamais rencontré d’autres malades. Il nous demande qui est "l’homme de pierre". On a essayé d’expliquer ce qu’est la pierre. Il m’a demandé les prénoms de ceux qui étaient malades. Il y a une volonté de communauté pour se sentir moins seul. Il veut voir des photos d’eux sur Internet.

Du fait de la rareté il n’y a pas d’aide

C’est dur de lui expliquer. Quand on voit les photos des malades, ça fait vraiment statue. Ils sont durs comme de l’os. Je me dis que mon fils ne sera pas pareil. On croise les doigts. Pour l’instant, c’est un enfant quasi normal. On le protège en anticipant d’éventuels chocs, les blessures qui favorisent les poussées osseuses. On est sur son dos depuis qu’il est né. On a toujours veillé à ce qu’il ne glisse pas, on évite les tapis, les jeux qui traînent au sol. L’appart est hyperbien rangé.

Lors des poussées, il se plaint d’une douleur lancinante, dit qu’il a mal à la nuque ou au dos. C’est un torticolis puissance 10. Mais il n'y a pas de traitement. On aimerait bien que les chercheurs soient concentrés sur notre maladie. La France est présente pour le suivi des malades mais pas dans la recherche pure.

Du fait de la rareté il n’y a pas d’aide. Aucun centre de référence n’a été créé sur cette maladie. Avec mon mari, nous avons créé l’association pour fédérer les malades. On a récemment déménagé en Bretagne, à Morlaix. On essaye de trouver des projets qui financent des traitements. De récolter des dons pour aider la recherche. Pour l’instant, on a juste des corticoïdes pour soulager la douleur. Cela permet encore à mon fils d’être heureux, de jouer avec ses amis, ses cousins. Si la maladie s’exprime, on est là.»