Journée mondiale du psoriasis: «Certains de mes amis m'appelaient La Croûte»
DERMATOLOGIE•Près de 2 millions de personnes souffriraient de cette maladie particulièrement handicapante dans la vie de tous les jours…Romain Scotto
En matière de musée, on fait difficilement plus effrayant que celui des maladies de peaux, situé dans l’une des ailes de l’hôpital Saint-Louis à Paris. Sur deux étages sont exposés les moulages d’époques de toutes les pathologies cutanées référencées en médecine. Entre les modèles de gale, de sarcome cutané, d’eczéma, d’épithéliome, le professeur Louis Dubertret s’arrête sur le psoriasis, un mal caractérisé par l’apparition de taches rouges, gerçures au niveau des ongles friables ou une irritation du cuir chevelu. Sans que les causes, en partie génétiques, ne soient réellement identifiées.
Reconnue par l’OMS comme une maladie chronique douloureuse handicapante, elle gâche la vie d’au moins 600.000 français aujourd’hui. «La peau est l’organe principal de la relation. Le psoriasis, c’est une souffrance de la relation avec soi-même et avec les autres», souffle le dermatologue. Dans son cabinet défilent chaque jour des patients aussi rongés par leur «pso» que par les idées noires à l’image de Cédric, un Parisien de 31 ans qui a mis de longues années avant d’accepter sa maladie. «Parfois, vous avez envie de vous foutre en l’air. Je le revendique. Un hiver, j’ai pété les plombs, j’étais déprimé, incompris.» L’association France Psoriasis l’a finalement aidé à surmonter sa détresse, alors que les plaques couvraient la quasi-totalité de son corps.
«J’ai perdu mon côté séducteur»
Le jeune homme a alors réalisé qu’il n’était pas seul à faire face aux coups durs. Il évoque notamment une jeune femme ayant refusé de lui faire la bise croyant sa maladie contagieuse. Un ado lui demandant s’il avait le Sida. Ses collègues qui lui collent à tort l’étiquette de «stressé du service». Certains de ses amis qui le surnomment «La Croûte». Ou encore un entretien d‘embauche où il baissait la tête et cachait ses mains. Autant d’incidents qui ébrèchent l’estime de soi: «On n’ose plus se mettre tout nu par exemple. On n’a pas envie de se montrer, de se faire toucher. Quand vous êtes célibataire, vous vous trouvez hideux. J’ai perdu mon côté séducteur.»
Avant de sortir de chez lui, ce jeune actif s’est longtemps maquillé. Une heure, tous les matins, en plus des crèmes hydratantes qu’il utilise après sa douche. «Ça prend un temps fou, et en même temps, vous vous dites que tout le monde s’en rend compte et se fout de votre gueule.»
Avec le psoriasis, le danger principal «est le psoriasis lui-même»
Pour surmonter tout cela, il évoque deux caps dont l’acceptation de sa pathologie. «C’est essentiel car les conséquences sociales de la maladie aggravent la maladie elle-même», observe le Louis Dubertret. En dermatologie on dit que la peau «s’accélère» lorsque le cerveau émet un signal de danger. Avec le psoriasis, le danger principal «est le psoriasis lui-même», poursuit le dermatologue. En clair, plus le malade en souffre, plus il se sent en «danger» et plus son dégoût est important. L’autre élément clé d’un retour à la socialisation repose sur la découverte d’un traitement adéquat pour réduire les symptômes. La quête de toute d’une vie pour certains patients.