Maladie de Crohn: La greffe fécale envisagée pour sauver les malades
GASTRO-ENTEROLOGIE•Un essai a lieu à l’hôpital Saint-Antoine à Paris sur une vingtaine de patients…Romain Scotto
Allongée sur son transat, Bethany Townsend bronze comme n’importe quelle jeune femme de 23 ans. Lunettes de soleil, bikini, serviette de bain, tout y est. Ce mannequin anglais désormais célèbre sur les réseaux sociaux, porte également sur son ventre une petite poche qui n’a rien d’un sac à main. Il s’agit d’une poche de stomie, le réceptacle de ses selles, qu’elle est obligée de vider régulièrement comme certains des patients atteints de la maladie de Crohn.
Très handicapante au quotidien, puisqu’elle se traduit par des douleurs abdominales aiguës, diarrhées chroniques et perte de poids, la maladie de Crohn reste méconnue du grand public. Elle touche pourtant près de 200.000 patients (avec la rectocolite hémorragique, l’une de ses variantes), soit 1% des Français au cours de leur vie.
Ce «coup de pub» viral intervient au même moment où une expérimentation est menée à l’hôpital Saint-Antoine à Paris. Une vingtaine de patients testent la transplantation de flore intestinale, cet ensemble de micro-organismes, champignons, bactéries, et même virus, qui peuple naturellement notre intestin. «Il ne s’agit pas d’une greffe en tant que telle, mais on introduit par coloscopie la flore d’un donneur dans l’intestin d’un autre en espérant qu’elle ait un effet positif sur la maladie», décrit le docteur Harry Sokol, coordinateur de l’étude dont les premiers résultats sont attendus dans un délai de 18 à 24 mois.
Bientôt une version en gélule?
A l’origine, les premières transplantations de flore ont été testées pour lutter contre certaines maladies nosocomiales, dont celle de la bactérie «Clostridium difficile». Concernant la maladie de Crohn, les causes sont très complexes. On sait seulement que le capital génétique, l’environnement et donc la flore intestinale jouent un rôle important. «La flore est essentielle pour notre propre physiologie, poursuit le médecin. Les bactéries fabriquent un tas de métabolites qui ont un impact sur les cellules de l’intestin et les cellules immunitaires qui circulent dans l’organisme, à travers le sang.» Des produits bactériens peuvent également être absorbés dans la circulation sanguine et avoir un effet sur d’autres organes comme le foie ou les poumons.
A l’avenir, des expérimentations de transplantation fécale devraient être menées pour soigner les inflammations du foie, le diabète, les maladies cardiovasculaires et même certaines maladies neurologiques, dont la dépression. Les médecins évoquent aussi l’idée d’utiliser une flore congelée ou sous forme de gélules. Lors des repas, il sera alors plus difficile d’esquiver le sujet.