Bretagne: «Fatigués», les agriculteurs maintiennent la pression sur la grande distribution
AGRICULTURE•Plusieurs plates-formes logistiques sont bloquées dans la région…Camille Allain
«Intermarché, c’est pas les plus mauvais. Mais on était un peu perdus. On savait pas trop où aller pour se faire entendre ». Evacués de la plate-forme logistique de Carrefour de Bain-de-Bretagne mardi, les agriculteurs d’Ille-et-Vilaine bloquent depuis mardi midi la base Intermarché située au Grand Fougeray.
Après une première nuit passée dans un froid glacial, ils étaient une petite dizaine, réunis autour d’un feu mal entretenu. Au pied des tracteurs, quelques barres de quatre-quarts et un thermos de café vide témoignent du petit-déjeuner enfilé au bord de la route. « On ne bloque pas les salariés, juste les camions. En touchant le porte-monnaie des distributeurs, on espère qu’ils nous soutiendront pour demander plus de transparence sur les prix et sur l’étiquetage », lance Julien, un éleveur de vaches laitières du coin.
« Ils sont rincés »
Mobilisés depuis des semaines, les agriculteurs avaient promis de ne plus barrer les routes. Pour tenter de se faire entendre, ils ont décidé de s’attaquer à la grande distribution. « Vous ne croyez pas qu’on serait mieux chez nous à travailler. Il y a des gars qui se lèvent à 4h du matin pour s’occuper de leurs bêtes avant de venir. Ils sont rincés », lance Vincent, éleveur au Grand Fougeray. Dans ses bras, son jeune fils se fait discret, observant la scène. « Il vient juste de rentrer à l’école. Il aime les animaux, les machines. S’il veut s’installer, je le laisserai choisir sa voie. Mais je ne vais pas l’inciter non plus », poursuit le jeune agriculteur.
Les éleveurs devant la base Intermarché du Grand Fougeray, le 10 février 2016. - C. Allain/APEI/20 Minutes
Après des journées de blocages, de réunions et des prises de parole politiques qui n’en finissent plus, certains éleveurs s’avouent usés, mais prêts à continuer. « On délaisse nos fermes, nos familles. J’ai peur que 2016 soit une année très dure », témoigne Vincent. « Nous produisons de la qualité, avec des normes d’hygiène strictes, des gros efforts sur l’environnement. Tout ce qu’on demande, ce sont des prix. Et on va se battre pour ça », lance Julien, jeune éleveur de vaches.
« Les yaourts, toujours au même prix »
Invitée à négocier, la grande distribution est évidemment pointée du doigt, tout comme les transformateurs. « Le prix du lait payé à l’éleveur a baissé de 110 euros (les 1.000 litres) en quelques années. Mais vos yaourts, vous les achetez toujours au même prix. Il y en a bien qui se rincent quelque part », poursuit l’éleveur du Grand Fougeray.
« Qu’on arrête de tirer les prix vers le bas »
Si le dialogue entre les différentes parties n’est jamais aisé, les avis convergent parfois. Ce mercredi, le directeur de la base du Grand Fougeray est venu à la rencontre des éleveurs. « Je comprends le mouvement, même si ça ne m’arrange pas. On a tous intérêt à ce que ça s’arrange. Il faut qu’on bouge ensemble. Mais pour ça il faut que tout le monde joue le jeu et qu’on arrête de toujours tirer les prix vers le bas », lâche le responsable de la base.
Invités par un huissier à libérer le site de stockage des produits frais d’Intermarché, les éleveurs devraient lever le camp dans la soirée. Mais pour aller où…