POLEMIQUERennes: Cinq ans après l’expulsion, la rue du Capitaine Dreyfus est dans l’impasse

Rennes: Cinq ans après l’expulsion, la rue du Capitaine Dreyfus est dans l’impasse

POLEMIQUELes propriétaires du bâtiment espèrent un rachat par un promoteur immobilier…
Camille Allain

Camille Allain

«Je m’en souviens bien. On était en plein service et on avait pas mal de monde. Un huissier est venu et nous a dit qu’il fallait évacuer l’immeuble sur le champ car il menaçait de s’effondrer. On a dû mettre tous nos clients dehors et on n’a jamais pu rouvrir la boutique». Installées depuis 1987 au numéro 6 de la rue du Capitaine Dreyfus, Pascale et Catherine avaient dû faire leurs valises et fermer leur café «Thé au fourneau» dans l’heure. Le bâtiment dans lequel elles faisaient leurs gâteaux maison présentait un réel risque de s’écrouler. Le maire Daniel Delaveau avait alors pris un arrêté de péril imminent et fait évacuer tous les habitants.

Une facture à 3 millions d'euros

L’histoire remonte au 12 mars 2010. Cinq ans plus tard, le bâtiment n’a toujours pas bougé. Sur les vitrines des deux restaurants du rez-de-chaussée, on trouve encore trace de l’arrêté et des excuses des propriétaires du bar La Casa et du salon de thé de devoir fermer aussi subitement. Simple locataire, Thé au Fourneau emménagera six mois plus tard au pied des Portes Mordelaises. Mais pour les 14 copropriétaires du numéro 6 de la rue Dreyfus, le combat continue pour tenter de sauver le bâtiment. «Le premier cabinet qui a expertisé le bâtiment estimait les travaux à 100.000 euros, ce qui était acceptable. Mais un autre cabinet a mené une étude plus poussée et nous a sorti une facture de 2,9 millions d’euros. C’est impossible pour nous».

Un promoteur veut raser les bâtiments

Propriétaire de deux studios rue du Capitaine Dreyfus, Antoine Gilbert a déjà perdu des dizaines de milliers d’euros en frais d’études et travaux de confortement, comme tous les propriétaires. Depuis cinq ans, il espère qu’un promoteur se porte acquéreur et rachète l’ensemble du bâtiment. L’an dernier, le rôle du sauveur est venu de Bâti-Armor, qui proposait de déconstruire les numéros 4 et 6 de la rue Dreyfus pour y reconstruire des logements. Un compromis de vente avait même été signé. Mais le projet n’était pas du goût de l’architecte des Bâtiments de France. «La problématique structurelle ne peut affranchir l’immeuble de sa qualité et par là de sa restauration. Sa disparition apparaîtrait aux yeux du public et des spécialistes du patrimoine fort peu justifiable», explique Alexander Entzer dans un courrier rédigé l’été dernier.

«C'est notre affaire Dreyfus à nous»

Depuis, rien n’a bougé ou presque et seul un charpentier vient vérifier l’état du bâtiment tous les trimestres. L’architecte des Bâtiments de France, le promoteur Bâti-Armor et un cabinet d’études se sont à nouveau réunis le 28 avril pour évoquer le projet mais aucune décision n’a été prise. Une nouvelle réunion est programmée sous quinze jours. En attendant, le bâtiment qui menaçait de s’effondrer il y a cinq ans est toujours debout. Mais la santé de certains propriétaires s’érode plus vite que la structure en bois de l’immeuble. «On a parmi nous des personnes très âgées et un peu désespérées. C’est notre affaire Dreyfus à nous», conclut Antoine Gilbert, en référence au procès d'Alfred Dreyfus qui s'est tenu à Rennes en 1899.