La crépidule veut envahir le monde
Environnement Réputé nuisible, le coquillage pourrait être commercialisé dans l'alimentaireCamille Allain
ACancale, cela fait plus de 20 ans qu'on entend parler de la crépidule. Ce coquillage invasif tapisse la baie du Mont Saint-Michel, menaçant les élevages d'huîtres et de moules. « On en remonte 15 tonnes à chaque sortie. On pourrait y aller tous les jours, on en aurait toujours autant », témoigne Jean-François. Depuis un an et demi, ce marin travaille sur le Papy, la seule barge ostréicole spécialisée dans la crépidule. Mais inutile de chercher, vous ne trouverez pas une seule crépidule sur les étals des poissonniers.
Viser le marché asiatique
« Ça se mange pourtant. Mais personne n'en veut », poursuit le marin. Perçu comme nuisible, le coquillage ne séduit pas grand monde. D'autant qu'il était jusqu'ici très difficile de séparer la chair de son imposante coquille. « C'est désormais possible. On a créé un process industriel qui permet de valoriser la coquille et la chair », explique Pierrick Clément.
Cet entrepreneur de Cancale travaille depuis cinq ans à la valorisation du coquillage. Aidé par les collectivités, il a bâti une usine où sont transformées les crépidules. « La coque nous sert à faire des pavés drainants pour la voirie. Et la chair, on aimerait la valoriser à l'export », poursuit Pierrick Clément. L'entrepreneur vise notamment le marché asiatique où les produits de la mer ont bonne réputation. « Des grands chefs américains, japonais et chinois ont goûté et ils approuvent ! », assure le Cancalais. Chef au Vivier-sur-Mer, Stéphane Gesbet confirme. « On peut s'éclater avec la crépidule. La faire fumer ou sécher pour le marché asiatique. En faire des mousses ou des pâtés », explique le cuisinier. Mais le marché des grands restaurants ne sera pas suffisant pour assurer la rentabilité de l'usine de transformation de Cancale. « Il nous faut du volume, viser le grand public. Mais pour cela, il faut changer son image de nuisible », avance Pierrick Clément. Une mission qui passe d'abord par un changement de nom. « Aujourd'hui, elle a mauvaise réputation », assure le maire de Cancale Pierre-Yves Mahieu.