Montebourg offre une percée à l'idée controversée de démondialisation
L'idée de la "démondialisation", présentée comme une panacée ...© 2011 AFP
L'idée de la "démondialisation", présentée comme une panacée anti-crise, a fait une percée spectaculaire avec les 17% raflés dimanche par Arnaud Montebourg lors de la primaire socialiste, mais ses détracteurs n'y voient qu'un ersatz "ringard" du protectionnisme.
Fort de son score inattendu, Arnaud Montebourg a assuré que la démondialisation, dont il s'est fait le chantre, serait "au coeur" de la présidentielle.
Henri-Vincent Tiberj, chercheur à Sciences Po, n'est pas loin de lui donner raison. Selon lui, les électeurs de gauche ont profité du premier tour de la primaire socialiste pour marquer leur volonté d'"un PS ancré à gauche".
Les finalistes du second tour devront ainsi se positionner sur une question aussi épineuse que controversée.
Pour M. Tiberj, l'exercice s'annonce compliqué pour François Hollande, qui "a choisi un positionnement de centre-gauche Bayrou-compatible", plus éloigné des électeurs écologistes ou du Front de gauche que celui de Martine Aubry, et pourrait se retrouver condamné à faire "le grand écart".
L'idée de "démondialisation" a de nombreux détracteurs, à droite comme à gauche.
Jean-François Copé, le secrétaire général de l'UMP, a parlé dimanche d'une "dinguerie". "Ringard et irresponsable", estime Gérard Longuet, le ministre de la Défense.
"Franchement ringard", renchérit le socialiste Manuel Valls, éliminé de la course dimanche. "Réactionnaire", dénonce le directeur général de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) Pascal Lamy, également socialiste.
"Démondialiser, c'est un peu dire n'importe quoi", avait tranché avant eux l'écologiste Daniel Cohn-Bendit.
Des partisans d'un extrême à l'autre
Mais la démondialisation, concept dont la paternité revient au sociologue philippin Walden Bello, a aussi de nombreux partisans, à l'extrême gauche comme à l'extrême droite. Marine Le Pen, la présidente du Front national, s'en réclame désormais.
De son côté, la patronne des patrons Laurence Parisot a jugé souhaitable lundi de "profiter du succès incontestable" d'Arnaud Montebourg pour lancer le débat. Pour autant, a-t-elle relevé, "un salarié sur quatre en France dépend de l'exportation, donc imaginer que du protectionnisme ou des fermetures de frontières feraient du bien serait faux".
Parmi les avocats les plus déterminés de la démondialisation figure Jacques Sapir, directeur d’études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). S'il reconnaît volontiers que "le protectionnisme est au coeur du projet de la démondialisation", il souligne que "le contrôle des mouvements de capitaux" en est le second pilier.
"Un monde global livré à la liberté des échanges de marchandises et de capitaux est néfaste" et génère des "prédateurs" économiques comme la Chine, pratiquent un dumping social, fiscal ou bien encore écologique, dénonce-t-il.
M. Sapir prône "l'interdiction des opérations sur les produits dérivés", accusés d'avoir joué un rôle dans la crise financière, ou bien encore la taxation des capitaux étrangers investis en France quand ils le sont à des fins spéculatives.
"Remettre en cause un demi-siècle d'intégration économique internationale est une absurdité" et serait "le plus sûr moyen de casser l'économie mondiale", estime a contrario Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS.
Le commerce extérieur de l'Europe est "faiblement excédentaire" et profite donc de la mondialisation, selon lui. Et seuls 10% du commerce européen concernent des échanges avec des pays à bas coûts, fait-il valoir.
Les vraies raisons du mal français seraient plutôt à rechercher dans la dégradation du système éducatif, de la recherche et de la compétitivité, ajoute Elie Cohen, partisan d'une "politique industrielle volontariste".