DIPLOMATIEAu Quai d'Orsay, Alain Juppé va devoir montrer qu'il est à la hauteur de ses ambitions

Au Quai d'Orsay, Alain Juppé va devoir montrer qu'il est à la hauteur de ses ambitions

DIPLOMATIEL'ancien Premier ministre a posé ses conditions avant d'accepter de remplacer MAM, et va devoir faire ses preuves...
Bérénice Dubuc

Bérénice Dubuc

Le nouveau ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, a pris ses fonctions ce mardi en reconnaissant que sa mission serait «très difficile». Au programme: relancer l'Union pour la Méditerranée, se positionner face aux bouleversements que connaît le monde arabe, mais aussi «faire entendre la voix de la France».

Une tâche qui sera facilitée par le fait qu’avant d’accepter le poste, Alain Juppé a exigé d’avoir les coudées franches. Ainsi, Claude Guéant a quitté, à la faveur du remaniement, le secrétariat général de l'Elysée d’où il menait une sorte de «diplomatie parallèle». La politique étrangère fait en effet partie du «domaine réservé» du Président depuis le début de la Ve République, spécificité à laquelle l’hyperprésident Sarkozy n’a pas dérogé.

Mais ce n’est pas la seule tutelle à laquelle Alain Juppé pourrait échapper. Jean-David Lévitte, le conseiller diplomatique du chef de l’Etat, a en effet été «admis à faire valoir ses droits à la retraite, à sa demande, à compter du 1er avril 2011» selon le Journal officiel du 25 février. Deux défections qui devraient permettre de tourner la page de la concentration dans la main du président de la politique étrangère et redonner au ministre des Affaires Etrangères sa liberté d’action.

Une image «relativement solide»

Autre élément facilitateur pour Alain Juppé: il retrouve un ministère où il a déjà fait un passage remarqué, de 1993 à 1995. Pierre Verluise, directeur du site géopolitique Diploweb et spécialiste des questions géopolitiques, considère ainsi qu’Alain Juppé a une image «relativement solide» auprès des diplomates français, pour trois bonnes raisons: «Il connaît la maison, la respecte et l’a défendue

Le nouveau ministre des Affaires Etrangères français s’efforce d’ailleurs depuis sa nomination de rétablir la confiance avec les diplomates. Dès lundi, il a ainsi affirmé qu'il voulait «renforcer le moral des diplomates», qui doivent recevoir «de la considération et un sentiment de confiance». Il a aussi souligné qu’il «faut arrêter d'asphyxier financièrement» le ministère et «lui donner les moyens d'exercer sa mission».

«Il faut qu’il fasse ses preuves»

Pour Pierre Verluise, «il semble pertinent de respecter son personnel, ce qui était probablement moins le cas auparavant». Le spécialiste des questions géopolitiques indique que Michèle Alliot-Marie avait en effet la réputation «d’être cassante et de fonctionner en clan». «On sentait les diplomates assez mal à l’aise dans ce contexte.»

Il souligne que les contraintes budgétaires sont lourdes et ne vont pas changer du jour au lendemain.«Même s’il est vrai qu’à coût égal, les diplomates sont meilleurs quand ils se sentent respectés et quand le courant passe avec leur patron, il faut voir comment il va faire pour faire mieux avec autant.» Car Alain Juppé est désormais en responsabilité, et à ses conditions. Des conditions élevées.

«Le pari pour lui est désormais de prouver qu’il peut fonctionner autrement, mieux. Il faut qu’il fasse ses preuves. Il ne faut pas le vendre avant qu’il ait fait ses preuves, ce qu’on ne pourra juger que dans un an», estime Pierre Verluise. Pourtant, Alain Juppé a d’ores et déjà prévenu: il n’a pas de «baguette magique qui va tout régler», et est là «pour mettre en place les orientations définies par le président et le gouvernement». Uniquement. Une façon peut-être de diminuer la charge qu’il s’est mis sur les épaules.