100 jours de Macron: «Un début de mandat en demi-teinte»
INTERVIEW•Le politologue Bruno Cautrès répond aux question de «20 Minutes» sur les 100 premiers jours de la présidence Macron...Propos recueillis par Laure Cometti
Cent jours se sont écoulés depuis la victoire d’Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle, le 7 mai dernier. Le bilan du jeune président est contrasté selon Bruno Cautrès, directeur de recherche au CNRS, qui répond aux questions de 20 Minutes.
Comment résumer le début de mandat d’Emmanuel Macron ?
Ces 100 premiers jours sont un peu en demi-teinte. Emmanuel Macron a connu un départ tonitruant, sur des chapeaux de roues, une séquence forte au plan international et européen puis l’écrasante victoire de son parti aux législatives. Il est arrivé à entrer rapidement dans le costume de président de la République. Mais les premiers couacs sont arrivés avec une étonnante rapidité.
A partir de quel moment ?
Après le remaniement, l’affaire Ferrand et le départ des ministres MoDem, le nouveau casting gouvernemental a du mal à exister. Les ministres sont peu connus et ne sont pas des relais des principales forces politiques du pays. Bruno Le Maire et Edouard Philippe sont connus, mais ils sont en rupture avec leur parti, idem pour Jean-Yves Le Drian. Cela donne le sentiment que c’est le président qui décide de tout. Par exemple, le discours de politique générale du Premier ministre a été contredit par le président dès le lendemain.
La cote de popularité d’Emmanuel a baissé au cours de ces 100 jours. Cette tendance est-elle plus forte pour ses prédécesseurs ?
Sa cote de popularité a chuté plus vite que celle de Nicolas Sarkozy, et un peu plus vite que celle de François Hollande. Mais c’est surtout l’ampleur de cette chute qui est frappante. Le premier tour de la présidentielle n’a pas disparu : il a obtenu 24 % au premier tour, et la forte hésitation des électeurs et le manque d’adhésion au second tour pèse encore aujourd’hui. Jusqu’à quand la dynamique de départ de Macron va masquer ce problème ?
Quelles décisions ont pu avoir un impact sur cette baisse de popularité ?
Les premières mesures budgétaires ne sont guère populaires. Il me semble par ailleurs que la baisse de l’Aide personnalisée au logement de 5 euros est une erreur, car elle est absurde : elle rapporte peu et elle porte un message contradictoire avec l’ensemble du projet d’Emmanuel Macron, puisque dans le même temps il veut baisser l’impôt sur la fortune et exonérer massivement les Français de la taxe d’habitation en 2018 - même si cette taxe ne rentre pas directement dans les caisses de l’Etat. Par ailleurs, sur ce sujet la communication élyséenne a été mauvaise. On nous a raconté que le président s’était fâché devant ses ministres, roulés dans la farine par Bercy. Mais peut-on vraiment croire que l’état-major des finances publiques aurait imposé cette mesure à Edouard Philippe sans son accord ?
Que dire de la communication élyséenne ? Y a-t-il un décalage chez le président jupitérien qui donne peu d’interviews aux médias mais qui réagit par communiqués à la mort d’un écrivain, à la profanation d’un monument, et qui documente tous ses déplacements par des Facebook live ?
La volonté d’être un « président jupitérien » peut introduire des difficultés. Quand la communication politique vend la toute-puissance du président, alors la déception des citoyens est d’autant plus grande si les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Emmanuel Macron est apparu dans de nombreuses scènes télévisées comme la poignée de main avec Donald Trump, le discours devant le Congrès, mais que reste-t-il de tout cela ? Il y a un certain malaise dans cette communication, qui est omniprésente sur des points de détails, et parfois absente sur l’essentiel. Sur l’APL, il n’y a pas eu d’explication officielle.
Parfois, on est dans de la com' qui en fait trop, comme lors de l’épisode du général De Villiers. Certes, il a dérogé à la règle de se taire, mais cela justifiait-il l’image du président de la République qui vient rappeler aux militaires qu’il est leur chef. Il aurait pu le dire en Conseil de défense plutôt que devant la France entière. La mise en scène de cette séquence est assez maladroite et le général De Villiers a quitté son poste sous les applaudissements des militaires.