Démission de Pierre de Villiers: Retour sur une polémique en cinq actes
CRISE•La démission du chef d'état-major clôt une semaine de tensions avec l'exécutif...Laure Gamaury
C’est officiel depuis ce mercredi matin : Pierre de Villiers a démissionné de son poste de chef d’état-major des armées françaises, deux jours avant sa rencontre prévue avec Emmanuel Macron avec lequel il était en désaccord public. Cette démission sonne comme l'ultime pied-de-nez de ce général vendéen, qui aura pratiqué l'art de la déclaration fracassante.
12 juillet. « Je ne vais pas me faire baiser. » La saga débute donc mercredi dernier devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale. Auditionné à huis clos, le général Pierre de Villiers ne mâche pas ses mots après l’annonce du Premier ministre d’une réduction de 850 millions d’euros du budget de la Défense pour 2017. Or, Emmanuel Macron, qui avait assuré qu’il consacrerait 2 % du PIB à l’effort de défense d’ici à 2025, n’avait jamais évoqué de coupes budgétaires préalables.
La moutarde monte au nez du chef d’état-major des armées françaises, qui balance dans un langage des plus fleuris, tout ce qu’il pense de ces restrictions : « Je ne vais pas me faire baiser comme ça », ont rapporté des témoins dans la presse. « Le grand écart entre les objectifs assignés à nos forces et les moyens alloués n’est plus tenable. On a déjà tout donné. » Lors de sa présentation devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, Philippe de Villiers a plaidé pour un budget de la défense 2018 en hausse de plus de deux milliards d’euros, à 34,8 milliards, dans le prolongement de ses recommandations précédentes.
13 juillet. « Je suis votre chef. » Devant les fonctionnaires de la Grande Muette, Emmanuel Macron répond, sans jamais le citer, à Pierre de Villiers, dès le lendemain de l’estocade. « Je considère qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique. J’ai pris des engagements. Les engagements que je prends devant nos concitoyens et devant les armées, je sais les tenir. Et je n’ai à cet égard besoin de nulle pression et de nul commentaire. De mauvaises habitudes ont parfois été prises sur ces sujets. J’aime le sens du devoir. J’aime le sens de la réserve, qui a tenu nos armées où elles sont aujourd’hui. ». Une position qu’il a réaffirmée dans le JDD du 16 juillet : « Si quelque chose oppose le chef d’état-major des armées au président de la République, le chef d’état-major des armées change. L’intérêt des armées doit primer sur les intérêts industriels. »
Mais le chef de l’Etat gardait encore espoir d’apaiser les tensions avec le général au parcours exemplaire. Dans les colonnes du JDD toujours, il a affirmé que Pierre de Villiers avait toute sa « confiance », lui qu’il avait reconduit dans ses fonctions le 1er juillet pour un an supplémentaire.
14 juillet. « Personne ne mérite d’être aveuglément suivi. » Loin de lâcher le morceau, Philippe de Villiers maintient le cap : dans une tribune au Figaro d’une part, et dans un post Facebook à destination des jeunes engagés d’autre part. « Parce que tout le monde a ses insuffisances, personne ne mérite d’être aveuglément suivi. » « La confiance » doit être nourrie jour après jour, pour faire naître l’obéissance active, là où l’adhésion l’emporte sur la contrainte », écrit-il sur le réseau social.
Les pro-Macron et les pro-Villiers sortent du bois. C’est le cas de Jean-Jacques Bridey président LREM de la commission Défense à l’Assemblée, celle-là même où la polémique a débuté, affiche son soutien au chef des armées le jour de la fête nationale, auprès de l’AFP : « C’est un choix. Personnellement, je le regrette, surtout quand je vois l’explication qui a été donnée par Bercy, puisqu’on nous dit qu’il faut faire 4 et quelques milliards d’économies mais que dans le même temps, on ouvre 1,5 milliard d’ouverture de crédit pour la capitalisation d’Areva. »
17 juillet. Le président de la République a reçu à l’Elysée à 16 h son chef d’état-major des armées. Dans la foulée, Pierre de Villiers, qui n’a fait aucune déclaration publique lundi, a réuni, d’après Le Monde « ses grands subordonnés de l’armée de terre, de l’air et de la marine, à qui il avait promis de faire part de ses décisions ».
19 juillet. Fin du suspense. Deux jours avant le rendez-vous officiel avec Emmanuel Macron, fixé vendredi 21 juillet, le chef d’état-major des armées françaises annonce sa démission dans un communiqué à l’AFP. « Dans les circonstances actuelles, je considère ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd’hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays. Par conséquent, j’ai pris mes responsabilités en présentant, ce jour, ma démission au Président de la République, qui l’a acceptée. J’ai toujours veillé, depuis ma nomination, à maintenir un modèle d’armée qui garantisse la cohérence entre les menaces qui pèsent sur la France et sur l’Europe, les missions de nos armées qui ne cessent d’augmenter et les moyens capacitaires et budgétaires nécessaires pour les remplir. Dans le plus strict respect de la loyauté, qui n’a jamais cessé d’être le fondement de ma relation avec l’autorité politique et la représentation nationale, j’ai estimé qu’il était de mon devoir de leur faire part de mes réserves, à plusieurs reprises, à huis clos, en toute transparence et vérité ».
C’est la fin d’un véritable feuilleton de crise, qui s’achève sur une première sous la Ve République : la démission d’un chef d’état-major des armées françaises, rattaché au chef de l’Etat.