VIDEO. Ferrand quitte le gouvernement: La stratégie de Macron pour faire taire les critiques
ELECTIONS•Le président a demandé à son fidèle lieutenant de briguer la présidence du groupe La République en marche à l’Assemblée nationale...M.C.
Il ne sera finalement resté qu’un mois au gouvernement. Richard Ferrand, pilier du parti présidentiel visé par une enquête préliminaire de la justice, va quitter son poste de ministre de la Cohésion des territoires pour briguer la présidence du groupe La République en marche à l’Assemblée nationale, à la demande d’Emmanuel Macron. Une stratégie à trois volets du chef de l’Etat, qui ne suffira peut-être pas à faire taire les critiques. On fait le point.
Evacuer un élément gênant, l’air de rien
Par cet habile transfert, le président signe en apparence un coup de maître en se débarrassant d’un élément devenu gênant pour un exécutif qui brandit l'étendard de la moralisation, sans paraître céder à la pression. Officiellement, son départ intervient donc à la faveur de la démission du gouvernement sortant, dont l’Elysée a rappelé qu’elle était conforme à la « tradition républicaine au lendemain d’élections législatives ».
L’entourage du chef de l’Etat a juré ses grands dieux que Richard Ferrand ne faisait pas les frais de ses démêlés avec la justice qui a diligenté une enquête après la publication fin mai d’un article du Canard enchaîné. L’hebdomadaire satirique avait alors révélé qu’en 2011, les Mutuelles de Bretagne avaient décidé de louer des locaux commerciaux appartenant à la compagne de Richard Ferrand, leur directeur général de l’époque.
Ne pas punir un fidèle de la première heure
Sanctionné, Richard Ferrand ? Nenni ! Son départ du gouvernement n’est « pas du tout lié aux affaires, c’est vraiment l’inverse », insiste-t-on dans l’entourage du chef de l’Etat. Une « promotion », donc, pour Richard Ferrand, devenu en moins de trois ans un des hommes de confiance d’Emmanuel Macron dont il a structuré le parti, tirant profit de son expérience d’élu breton mais aussi de gestionnaire d’entreprises.
De plus, cet ancien socialiste, solidement implanté dans sa circonscription du Finistère, a été confortablement réélu (56,53 %) dimanche face à une candidate Les Républicains, et ce malgré les affaires. « Il a le suffrage pour lui, il n’y avait aucun intérêt à l’exfiltrer », soutient-on encore à l’Elysée où l’on fait valoir aussi son « excellente connaissance des militants et des députés » REM. Lors de l’entretien entre les deux hommes à l’Elysée, Emmanuel Macron aurait même assuré que « Richard Ferrand était pour lui ce que Pierre Joxe [président du groupe PS à l’Assemblée de 1981 à 1984] était à François Mitterrand », glisse-t-on dans l’entourage du député.
Garder le pouvoir sur le Parlement
Dernier facteur de l’équation présidentielle, et non des moindres : en plaçant Richard Ferrand à la tête d’un pachydermique groupe de 308 députés, sans compter les 42 du MoDem, Emmanuel Macron s’assure de disposer à ce poste-clé d’« un homme de confiance et d’efficacité » - toujours selon l’entourage de Ferrand. Celui-ci aura effectivement fort à faire pour discipliner les troupes de LREM, qui comptent beaucoup de novices. Il faudra aussi faire face aux ténors des partis d’opposition comme Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.
Problème réglé ?
La stratégie présidentielle permettra-t-elle de faire taire les critiques ? Pour l’instant, c’est mal parti, et des ténors de la droite et de l’extrême droite ont sans tarder pris la plume pour dénoncer la manœuvre sur Twitter. Le député LR Daniel Fasquelle, réélu dimanche dans le Pas-de-Calais face au candidat LREM dont la suppléante n’était autre que la belle-fille du président, Tiphaine Auzière, a dénoncé le « mépris [de Macron] pour l’Assemblée nationale ». Le vice-président du FN, Florian Philippot, s’est lui insurgé contre une décision « à des années-lumière de la moralisation ».