Quels chantiers attendent le ou la futur(e) ministre de l'Intérieur?
GOUVERNEMENT•Accueil des réfugiés, lutte antiterroriste et conditions de travail des policiers seront des enjeux majeurs pour le prochain locataire de la place Beauvau…Hélène Sergent
L'essentiel
- Le gouvernement du Premier ministre d’Emmanuel Macron devrait être dévoilé avant mercredi.
- Les attentats terroristes de 2015 et 2016 ont plongé le ministère de l’Intérieur au cœur du quinquennat de François Hollande.
- Il y a quelques mois, des milliers de policiers ont manifesté pour protester contre leurs conditions de travail.
«Ni angélisme, ni course effrénée aux chiffres, ni stigmatisation de communautés ». C’est avec ces quelques mots que Manuel Valls entrait, le 17 mai 2012, au ministère de l’Intérieur. Cinq ans après, la Place Beauvau s’est imposée comme pivot central du quinquennat de François Hollande.
Les attentats terroristes qui ont touché la France et notamment les forces de l’ordre en 2015 et 2016, les manifestations violentes contre la loi Travail, la crise des réfugiés ou la prorogation de l’état d’urgence ont propulsé l’action de Valls puis de Bernard Cazeneuve en première ligne des différents gouvernements. Immigration, sécurité, terrorisme… Quels seront les enjeux majeurs et les difficultés du prochain locataire de l’Intérieur ?
- Les conditions de travail des policiers
Leur mobilisation a été inédite. Pendant des semaines, des milliers de policiers ont défilé visages cagoulés et brassards fluo « Police » accrochés aux bras. A l’automne dernier, au lendemain de l’attaque de quatre fonctionnaires au cocktail Molotov en Essonne, une partie de la profession défilait dans plusieurs villes de France pour interpeller Bernard Cazeneuve sur leurs conditions de travail. Malgré un plan pour la sécurité publique de 250 millions d’euros et un assouplissement des conditions de légitime défense, les revendications des policiers sont toujours vivaces.
« On a donné beaucoup de moyens à la lutte antiterroriste et parallèlement on a un peu délaissé les services du quotidien, analyse Céline Berthon, secrétaire générale adjointe SCPN (Syndicat des commissaires de la police nationale), Le premier des sujets que va devoir traiter le prochain ministre concerne l’allégement de la procédure judiciaire et administrative. Il faut faire en sorte qu’on ne perde plus un temps infini et recentrer les services sur leurs missions initiales. »
« Ce sera le point essentiel du prochain quinquennat », abonde Denis Jacob, secrétaire général du syndicat Alternative police (CFDT). « Il y a eu des efforts ponctuels dans des contextes dramatiques mais qui ne touchent pas la majorité des policiers. Aujourd’hui, le parent pauvre c’est la police d’urgence, les équipes de police secours. Il manque des véhicules neufs et le personnel travaille dans des locaux délabrés. Dès le début du quinquennat il faut une loi de programmation et de rénovation immobilière », ajoute le syndicaliste.
Rien de tel n’a pourtant été mentionné dans le programme d’Emmanuel Macron, qui souhaite davantage axer sa politique sur le recrutement supplémentaire de 10.000 policiers et gendarmes et la réorganisation du renseignement.
- La réforme « explosive » des retraites
Si le sujet n’est pas propre aux seuls policiers et de gendarmerie, les représentants syndicaux des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur « s’inquiètent » du projet de réforme des retraites porté par Emmanuel Macron. Le nouveau chef de l’Etat souhaite créer « un vrai système universel de retraite »
« Les règles seront les mêmes pour tous les régimes (…) Un euro versé pour cotisation ouvrira droit aux mêmes droits, quels que soient votre secteur, votre catégorie ou votre statut. Pour celles et ceux qui sont à au moins cinq ans de la retraite, rien ne changera », précisait-il pendant sa campagne. Or, comme de nombreux salariés d’entreprises publiques, les policiers disposent d’un régime spécial de retraite.
«On bénéficie d’un statut spécial acquis en 1948 en échange de l’abandon de notre droit de grève, détaille Denis Jacob, or quand le Président explique qu’il souhaite mettre en place un régime général pour tout le monde, on s’interroge. Ce qui est certain c’est que si le gouvernement touche au régime spécial, il y aura des répercussions sociales ». Une analyse partagée par Céline Berthon : « La question des retraites est potentiellement explosive pour le futur ministre ».
- La gestion de l’asile et de la crise des réfugiés
Ce fut l’un des principaux chantiers du précédent quinquennat. L’intensification du conflit syrien et la campagne militaire menée en Irak contre Daesh ont poussé des millions de réfugiés sur les routes européennes. Paris et Calais ont fait face, dès le début de l’été 2015, à une crise sans précédent.
Multipliant les évacuations des campements dans la capitale, les forces de l’ordre et le ministère de l’Intérieur ont été particulièrement sollicités. Les dispositifs d’accueil et la procédure d’asile pour les réfugiés ont fait, dans la foulée, l’objet de réformes en juillet 2015 pour accélérer les délais de prise en charge. Si l’urgence semble être désormais passée, l’enjeu du prochain quinquennat réside dans l’intégration de ces réfugiés accueillis par la France.
« En 2016, 36.000 personnes ont été reconnues réfugiées. C’est un record en France même si on est loin d’un afflux massif - cela représente une personne par commune - mais leur intégration est essentielle. Il va falloir inventer une politique publique en lien avec ce statut et mobiliser les préfectures. On a longtemps considéré qu’elles devaient trouver seules des solutions une fois protégées par l’Etat. Aujourd’hui ça ne suffit plus, il faut construire un accompagnement public et associatif », confie à 20 Minutes Pascal Brice, actuel directeur de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides).
Une impulsion qu’a souhaité donner le tout dernier ministre de l’Intérieur, Mathias Fekl. Le 4 mai dernier, le locataire de Beauvau, la ministre du Travail et la ministre du Logement ont signé un accord-cadre national pour expérimenter un « parcours » d’intégration par l’emploi pour 1.000 réfugiés.