Salon de l’Agriculture: Casseroles, promesses, et caresses, on vous raconte les coulisses de la visite de Marine Le Pen
PRESIDENTIELLES•La candidate FN a ouvert, mardi, le bal des favoris à l'élection présidentielle...Julien Laloye
Dimanche à Nantes, lundi au Mont Saint-Michel, et mardi au salon de l’agriculture aux aurores un grand sourire aux lèvres. Entre nous, on aimerait bien savoir à quoi tourne Marine Le Pen pour péter la forme à ce point. On a essayé de la suivre Porte de Versailles, mais on a lâché l’affaire au bout de 3h36 de lutte, en état d’insuffisance rénale à force de piétiner surplace, quand la candidate FN n’en était encore qu’à la moitié de son programme. Voilà ce qu’on a vu.
- La popularité hallucinante de « Marine » et du FN dans les travées
Quelques réflexions attrapées à la volée dans les allées du pavillon 1, entre les charolaises et les Montbéliardes.
- « Attends, je vais essayer de serrer la main à notre future présidente »
- « Moi je l’ai vue de biais, je crois qu’elle m’a souri »
- « Marine, Marine, une photo »
- « T’as vu, elle a répondu à mon coucou »
- « Les gens disent qu’ils ne l’aiment pas mais tout le monde veut l’approcher »
Deux rencontres aussi. Gilles, un retraité girondin qui suit le cortège comme son ombre, sautant sur toutes les caméras pour direà quel point il est d’accord avec tout ce que propose Le Pen mais qu’il n’est pas du tout raciste, « même qu’il votait socialiste avant, c’est dire ». Une dame un peu plus jeune l’air désespéré avec un tract de la France bleu Marine en main. « J’ai réussi à avoir un autographe de Marion [Maréchal Le Pen] mais pas celui de Marine ».
On ne prétend pas à l’exhaustivité mais quand même : Pas de sifflets, des gens souvent bienveillants qui appellent toujours la candidate par son prénom, on est loin de Le Pen père hué en 2002. Il a fallu se battre pour dénicher un acte de protestation, et encore, c’était un « actounet ». Philippe Nolot, patron d’une maison d’édition, venu taper cinq minutes sur une casserole pas très loin, référence aux procédures judiciaires qui s’accumulent autour du FN. « Elle et Fillon, il faut vite qu’ils arrêtent. Dans n’importe quel pays européen, ils auraient dû retirer leur candidature. On parle de centaines de milliers d’euros détournés ».
Tentative courageuse mais pas récompensée. Un type se pointe pour l’insulter [« Mais ferme ta g… toi »], le service d’ordre du FN laisse faire, et les journalistes ne mordent pas à l’hameçon. L’affaire sera encore plus vite expédiée concernant deux membres d’une association féministe qui voulaient remettre à MLP « le prix de l’imposture pour sa soi-disant défense des femmes ». Dehors mesdemoiselles, merci beaucoup pour la visite.
a- Des caresses et encore des caresses
Ce n’était pas encore du Chirac des grandes années, mais Marine Le Pen commence à savoir y faire avec les bêtes. « Elle est à l’aise, ça se voit qu’elle a l’habitude » nous souffle un éleveur savoyard. La reine des sondages est tout de suite entrée dans le vif du sujet en prenant la pose avec Fine (Pie-Bretonne), la reine du salon, mais ce n’était qu’une mise en bouche. Ont suivi Gentiane (Abondance), Idalgo (Charolaise), Jethro (Blonde d’Aquitaine), et notre préférée, Bouba la Montbéliarde.
On n’y connaît rien en vache montbéliarde, mais avec un nom pareil, on ne pouvait pas ne pas se renseigner. La parole à Thierry Chabord, qui n’aime pas le rap, pour ceux qui se poseraient la question. Première fois qu’il emmène une de ses 160 bêtes au salon de l’agriculture.
« Bouba a onze ans. Elle a fait 8 veaux et va attaquer sa septième lactation. Une lactation ? Ça dure environ une année, et dans cette période, Bouba est capable de produire 10.000kg de lait. Après ça, elle a besoin de deux mois de repos. La Montbéliarde c’est une vache capable de s’adapter à tous les environnements. Elle préfère quand il fait froid, mais elle est aussi très demandée au Maroc, par exemple, pour la qualité de son lait mais aussi de sa viande ».
- Des agriculteurs plus sympas que les fonctionnaires (Lol)
Après avoirpassé son week-end à flinguer les fonctionnaires, MLP a retrouvé un auditoire plus favorable chez les agriculteurs, où elle devance de plus de 15 points n’importe quel autre candidat à la présidentielle dans les intentions de vote, selon la dernière enquête Cevipof publié dans Le Monde. Le discours est rôdé : « Il faut revoir totalement le système des aides. Il faut franciser les aides, évidemment pas les baisser mais les distribuer différemment ».
Et les intéressés qui ont eu la chance de causer avec elle, ils en pensent quoi ?
Alain Cornut, éleveur de Blonde d’Aquitaine dans le Pays basque.
« « Les paroles c’est bien, les actes, c’est mieux. Honnêtement, je ne sais pas si on peut lui faire plus confiance qu’aux autres. J’aimerais faire confiance à un président qui prendrait conscience de la difficulté dans laquelle vit le monde agricole. De plus en plus d’agriculteurs donnent leur voix au FN, et je les comprends, vu la misère dans laquelle se trouve la profession. Moi ? A terme, ce n’est pas impossible même si je ne suis pas raciste ni quoi que ce soit. Mon rêve c’est de transmettre une exploitation viable à mes enfants, et on en est loin ». »
Didier Chassot, éleveur de Charolaises dans l’Allier :
« « Quand vous avez tout essayé, et que ça n’a pas bougé, qu’est-ce que vous risquez à changer un programme ? On fait un métier où on a du mal à survivre financièrement, on peut à peine nourrir notre famille. Quand il y a plus de 20 000 exploitations qui vont crever en 2017, quand un tiers des agriculteurs dégagent à peine 300 euros par mois pour vivre, quand la viande importée coûte deux moins cher que la nôtre et qu’on doit respecter des normes sanitaires incroyables, où est le mal de débattre avec le FN ? Les autres on les connaît tous, de toute façon ». »
- Sympas mais pas trop chauds pour sortir de la PAC quand même
C’est la grande mesure phare de Marine Le Pen. Transformer la PAC, l’usine à subventions européennes si souvent décriée par les responsables politiques et les agriculteurs, en PAF, pour « Politique Agricole Française », dont les critères seraient fixés par la France et non par l’UE. « Il faut faire l’inverse de ce que fait l’UE. Il ne faut pas financer par des aides l’hectare, mais il faut financer les bonshommes », détaille-t-elle.
Mouais, répondent les agriculteurs,franchement sceptiques sur ce point. Xavier, 25 ans, et plutôt bravache quand MLP s’est dirigée droit sur lui : « Je ne pense pas qu’il faille sortir de l’UE. Quand on voit ce qui se passe avec la Grande-Bretagne, ils vont vite revenir dans un ou deux ans, parce qu’ils ne pourront plus exporter leur produit dans le reste de l’Europe. J’ai une inquiétude sur ça quand même. » Inquiétude partagée par Nicolas Lassalle, 500 têtes de pipes dans son exploitation de Gasconnes. « Si on sort de la PAC, je ne vois pas comment l’argent reviendra aux agriculteurs français dans les mêmes proportions. Si le FN arrive au pouvoir, ça peut avoir des conséquences énormes ». On aurait pourtant juré qu’elles ne déplairaient pas à certains.