TÉMOIGNAGESAprès l'affaire Fillon, les élus LR face «au ras-le-bol» des Français

Affaire Fillon: Les élus Les Républicains face à la «colère et au ras-le-bol» des Français

TÉMOIGNAGES« 20 Minutes » a interrogé des députés et sénateurs LR dans toute la France pour savoir comment l’affaire Fillon était perçue par les habitants de leur circonscription…
François Fillon en meeting à Charleville-Mezieres, le 2 février 2017.
François Fillon en meeting à Charleville-Mezieres, le 2 février 2017. - J.Witt/SIPA
L. C. avec N. Bonzom (à Montpellier), F. Brenon (à Nantes), C. Carpentier (à Marseille), B. Colin (à Toulouse), C. Girardon (à Lyon), A. Ighirri (à Strasbourg), M. Libert (à Lille)

L. C. avec N. Bonzom (à Montpellier), F. Brenon (à Nantes), C. Carpentier (à Marseille), B. Colin (à Toulouse), C. Girardon (à Lyon), A. Ighirri (à Strasbourg), M. Libert (à Lille)

Le week-end n’a pas été de tout repos pour les parlementaires Les Républicains. Après une semaine de réunions agitées à Paris, autour d’un François Fillon dans la tourmente, députés et sénateurs de droite sont retournés dans leur circonscription, où ils ont dû faire face aux questions et aux critiques de leurs électeurs déçus ou en colère. 20 Minutes a contacté plusieurs parlementaires LR pour savoir ce qu’ils avaient vu et entendu ces dernières 48 heures.

« C’est le seul sujet dont nous parlent les citoyens »

Les parlementaires sont très sollicités depuis les premières révélations du Canard enchaîné, le 25 janvier dernier, sur l’emploi présumé fictif de Penelope Fillon. « C’est le seul sujet dont nous parlent les citoyens », confie le député LR de la Vendée Alain Lebœuf, qui a soutenu François Fillon à la primaire.

« Il y a énormément de contacts, les gens appellent ou se manifestent à la permanence ou à la mairie. Il y a un grand intérêt pour le sujet », confirme Sophie Rohfritsch, députée LR du Bas-Rhin, maire de Lampertheim, également filloniste. Comme elle, de nombreux élus ont raconté à 20 Minutes qu’ils avaient été interpellés directement par les citoyens et même bombardés de questions diverses : certaines très détaillées sur le travail des collaborateurs parlementaires, d’autres plus personnelles sur le candidat de la droite.

« Cette semaine, on m’a demandé si tous mes collaborateurs avaient des badges. J’ai répondu que non. Sur quatre, seuls deux ont des badges. Et je passe mon temps à répondre à des questions comme ça au lieu de parler du fond, qui est quand même le devenir du pays », déplore Thierry Lazaro, maire de Phalempin et député LR de la 6e circonscription du Nord.

« Il y a beaucoup de colère et une déception importante »

Quant aux réactions de leurs administrés, elles vont de la déception à la relativisation, en passant par la colère. « Les citoyens et militants rencontrés depuis une semaine sont très énervés par le fond de l’affaire. Il y a beaucoup de colère et une déception importante », reconnaît, navré, le député LR de la Vendée Yannick Moreau.

« Les gens sont désabusés car la primaire avait créé un élan. J’ai rencontré des publics très différents et ils sont unanimes dans la condamnation morale. Il y a un gros mécontentement », avance Christian Kert, député LR des Bouches-du-Rhône. « En plus, il y a maintenant des suspicions sur tous les collaborateurs parlementaires. C’est désastreux. »

L’affaire Fillon fait tache d’huile, selon Thierry Lazaro qui « ressent cettedéfiance envers la classe politique » ainsi que « la lassitude et le ras-le-bol » des Français. « Pour les gens, les élus sont tous pourris, sauf le leur (…) on pâtit tous de cette affaire. »

Ceux qui sont « très en colère » sont minoritaires, tempère Alain Lebœuf. « Généralement, ce ne sont pas des partisans de François Fillon. Parmi les électeurs qui lui ont fait confiance, une minorité disent qu’il faut changer de candidat. La majorité d’entre eux sont surpris, déçus, mais disent plutôt qu’il ne faut pas lâcher, faire le dos rond et revenir le plus vite possible à l’essentiel, c’est-à-dire au programme. Beaucoup expriment un sentiment d’overdose et d’acharnement. »

« Une petite partie ne font plus confiance à Fillon »

Quelques exceptions : le sénateur LR du Rhône François-Noël Buffet, maire d’Oullins, est « agréablement surpris des réactions des électeurs ou militants qu’il a rencontrés ces derniers jours ». « Certains, même si ce n’est pas la majorité, estiment que cette affaire est scandaleuse et se disent déterminés à ne pas se laisser faire. D’autres, qui ne sont pas forcément des militants convaincus, attendent surtout des explications de François Fillon. Ils ne sont pas dupes, ils savent qu’il s’agit là de manœuvres de déstabilisation mais ils veulent comprendre. »

La seule députée LR de Haute-Garonne, Laurence Arribagé, va dans le même sens : « La majorité pensent qu’il y a un acharnement, qu’il a fait une connerie et qu’il faut qu’il s’en explique pour qu’on sorte de ce marasme, mais pour eux, changer de candidat n’est pas une option. » Elle ajoute néanmoins : « Je ne vais pas vous cacher qu’une petite partie m’ont indiqué qu’ils ne lui faisaient plus confiance, même si ce n’est pas la majorité de nos militants et partisans. »

« Est-ce que le mal est fait ? »

Prudents, les parlementaires font front, unis derrière le vainqueur de la primaire. « Il est le candidat même si sa légitimité est aujourd’hui écornée », glisse Laurence Arribagé. « Est-ce que le mal est fait ? C’est sûr que ça a impacté beaucoup. Mais s’il arrive à se justifier… Les gens veulent savoir », espère Pierre Morel-A-l’Huissier, député LR de Lozère, pour qui « il faut que François Fillon dise exactement sur le fond du dossier ce qu’il en est, les montants… Il y a une obligation de transparence ».

« On peut rebondir. On a la capacité de rebondir », veut croire Elie Aboud, député de Béziers. « A lui [François Fillon] de donner vite, très vite, des explications. A lui de changer son axe de défense, de montrer de la façon la plus claire de quoi il s’agit. Soit il n’y a rien de moralement insupportable, et on fonce. Soit il y a quelque chose de moralement insupportable, et à lui de faire, au mieux des excuses publiques, au plus, de donner les sommes aux Restos du cœur, par exemple, ou à une autre association. La balle est dans son camp. » Ces inquiétudes ont été perçues par le candidat à la présidentielle qui a convoqué ce lundi une conférence de presse à 16 h à son QG parisien.