Quinquennat: Manuel Valls reconnaît «des erreurs»
BILAN•Le Premier Ministre cite quatre erreurs majeures dont « le moment et la façon de présenter la loi Travail »...Clémence Apetogbor
Sa position au sein du Parti socialiste et de la gauche, son action à la tête du gouvernement, le cas du ministre de l’économie Emmanuel Macron… Manuel Valls dit tout dans un entretien au magazine Society diffusé vendredi.
Le Premier ministre estime qu’il « rassemble à gauche » et revendique sa légitimité à son poste de chef de gouvernement malgré son petit score à la primaire de 2011, tout en reconnaissant des « erreurs » durant le quinquennat Hollande.
Valls, le rassembleur
« Si j’ai été nommé Premier ministre, ce n’est pas uniquement parce que j’ai de l’énergie ou que je devais "faire du Valls" pour reprendre les mots de François Hollande, mais parce que j’étais en phase avec ce qui venait d’être engagé » début 2014, affirme le chef du gouvernement dans cet entretien fleuve.
Alors que le journaliste lui rappelle ses 5 % à la primaire socialiste, il répond : « Comment pouvez-vous dire cela ? ». « On peut être minoritaire à un moment et se trouver plus tard en position de rassembler », justifie-t-il. « Et je rassemble à gauche, malgré ce que vous pensez ».
Un « ni-ni » dangereux
Défendant le fait que la gauche se pose la « question identitaire », qui sera selon lui au coeur du débat de la présidentielle de 2017, il regrette que « la gauche, trop souvent, n’a apporté de réponses qu’économiques et sociales ». « Bien sûr il faut lutter contre la pauvreté, mais tous les débats, exacerbés parfois, qui traversent la société française, sur l’école, sur la place de l’islam, sur le voile, sur la jeunesse, interroger profondément ce que nous sommes », détaille-t-il.
« Le "ni droite ni gauche" est dangereux », estime Manuel Valls, pour qui il faut « apprendre à gouverner autrement », alors que le Front national s’invitera probablement au 2e tour de la présidentielle. Qu’il soit de droite ou de gauche, la manière dont le vainqueur « va devoir gouverner le pays sera forcément différente », dit-il, « il ne pourra pas faire comme s’il n’y avait pas eu cette élection ».
A propos de la campagne à venir, il reconnaît qu'« il va falloir être capable d’expliquer que oui, sur certains sujets, nous avons changé, que ça ne correspond pas forcément à tel ou tel engagement ». Il ajoute que François Hollande a gagné la présidentielle de 2012 « un, parce qu’il apparaissait comme celui qui pouvait battre Sarkozy », « deux, parce qu’il apparaissait crédible, notamment sur les questions économiques et budgétaires ».
Valls reconnaît des erreurs
Mais, juge le Premier ministre, « il faut être capable d’analyser sa propre action et reconnaître ses erreurs ». Il en cite quatre dont « le moment et la façon de présenter la loi Travail », aujourd’hui contestée dans la rue. Il estime également que son camp a « sous-estimé à quel point la société française était fracturée ». « Nous avons cru - pas moi - que la société était moins dure alors qu’elle était davantage sous tension », explique-t-il.
« C’est plus difficile d’être à gauche que d’être à droite, c’est plus difficile de gouverner quand on est à gauche parce qu’il y a en permanence une interpellation morale », analyse Manuel Valls, pour qui « une partie de la gauche » reste « mal à l’aise » avec l’exercice du pouvoir.
Il regrette enfin d’assister à « un moment politique très étrange : le débat a lieu au sein de la droite parce qu’il y a la perspective de la primaire, il a aussi lieu au sein de la gauche ou des gauches - procès en trahison, primaire ou pas, interrogation sur la candidature de François Hollande, etc - mais le débat n’a pas lieu entre la droite et la gauche ! C’est un comble ! Et le Front national prospère sur ce silence ».
Valls tacle Macron
« On ne peut pas être ministre et préparer un autre agenda que celui du président de la République », estime le Premier ministre.
Il assure ne pas vouloir faire un « procès » à Emmanuel Macron, qui a lancé en avril son mouvement politique ni à droite ni à gauche, « En Marche ! », mais estime qu'« il ne peut pas y avoir dans l’équipe gouvernementale ceux qui sont à la tâche tous les jours, qui sont mobilisés pour la réussite du quinquennat, et ceux qui ont un autre agenda ».