La réforme des parrainages et du temps de parole pour la présidentielle, ça change quoi ?
ELECTION•Les « petits candidats » à la présidentielle 2017 sont vent debout contre la réforme du temps de parole et des parrainages. Quels sont les trois points qui fâchent ?B.T.
Les candidats à la présidentielle 2017 devront faire avec. Jeudi, le conseil constitutionnel a validé cette réforme de la loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle.
- La fin des petits candidats à la télé ?
Les candidats à l’élection présidentielle auront dorénavant deux semaines d’égalité de temps de parole au lieu de cinq.
Par le passé, il y avait une période d’équité, suivi d’un régime mixte et enfin la campagne officielle où les candidats ont exactement le même temps de parole. La période mixte signifiait une égalité des temps de parole et une équité du temps d’antenne. Durant ce moment de la présidentielle 2017, environ trois semaines, les médias devront respecter une règle d’équité. Ils seront toujours surveillés par le CSA, mais le temps de chaque candidat sera mesuré en fonction de sa représentativité dans le débat public (en fonction des derniers résultats aux élections et des sondages).
« C’est un recul démocratique qui me paraît significatif. Le débat doit être le plus divers possible, décrypte Loïc Blondiaux, professeur de sciences politiques à la Sorbonne, auteur de La Fabrique de l’opinion (Seuil, 28,30 euros). Hors des campagnes électorales, ce sont les partis et les idées dominantes qui monopolisent l’attention politique dans les médias. Les courants et les idées minoritaires ne disposaient d’une tribune que dans le laps de temps très court de la campagne : 5 semaines sur les 260 d’un quinquennat. »
« Petit candidat » (1,79 % des suffrages en 2012), Nicolas Dupont-Aignant s’indigne sur le site de France Tv info : « Derrière cette réforme, c’est la suppression du premier tour de l’élection. Les débats à la télévision seront organisés uniquement entre les candidats du second tour supposé. »
- Tous les parrainages seront publics
Les noms des élus parrainant un candidat seront tous publiés « au fur et à mesure de leur réception, au moins deux fois par semaine ». Lors des précédentes élections, seulement 500 parrainages, tirés au sort, étaient rendus publics.
« Pendant longtemps, les parrainages du Front National ont posé beaucoup de questions. Mais les choses se sont normalisées. Mais, il est vrai qu’à l’époque, si l’on avait appliqué cette règle, les choses auraient été beaucoup plus compliquées, détaille Thierry Vedel, chercheur chargé de recherche CNRS au CEVIPOF. Aujourd’hui, cette nouvelle règle gênera peut-être les petites formations. J’en doute tout de même. Mais il est normal qu’une personne qui exerce un mandat rende des comptes. »
Candidat à la présidentielle et marcheur invétéré, le député Jean Lassalle est totalement opposé à cette modification. Toujours sur France Tv Info, il attaque : « Ce sera encore plus difficile pour un maire de donner son parrainage. Quand j’étais jeune maire, j’ai parrainé Arlette Laguiller en 1981. Je me souviens encore des débats au conseil municipal, ce n’était pas évident ! »
La fin des estimations à la sortie des urnes
Rien ne change dans les grandes agglomérations. Les bureaux de vote continueront à fermer à 20 h. Par contre, pour les autres, l’heure de fermeture est repoussée de 18 à 19 h. L’objectif avoué des députés est de mettre fin aux estimations à la sortie des urnes. Une pratique interdite en France, mais qui faisait tout le sel des médias étrangers les soirs d’élections.
« Je ne pense pas que cette mesure ait un impact particulier. En 2002,les Guignols sur Canal + avaient annoncé que Jean-Marie Le Pen serait au deuxième tour dès 19 h 45. Cela n’avait pas eu d’effets, analyse Christophe Piar, professeur à l’école de commerce PPA et maître de conférences à Sciences Po Paris.
aAlors tout change ou rien ne change ?
Sauf à ce qu’un Nate Silver vient révolutionner, à coup de statistiques géniales, la vision de la campagne des présidentielles 2017. L’incertitude est totale. D’abord parce qu’aucun des candidats de droite comme de gauche ne s’est réellement détaché de la course à la fonction suprême.
« Ce scrutin est largement imprévisible. Pour reprendre le politologue Pascal Perrineau : de plus en plus d’électeurs français ne savent plus où ils habitent, décrypte Christophe Piar. Presque un quart des électeurs se décident aux derniers moments. Les rapports de force peuvent changer très rapidement. Aux Etats-Unis en 1980, le duel Reagan contre Carter avait basculé dans les trois jours précédant les élections avec la question de la crise des otages américains en Iran. »