ELECTIONPrésidentielle 2017: Pourquoi la primaire à gauche a peu de chances d'avoir lieu

Présidentielle 2017: Pourquoi la primaire à gauche a peu de chances d'avoir lieu

ELECTIONSelon les statuts du parti, les instances du PS ont jusqu’au mois d’avril prochain, au plus tard, pour fixer une date…
Hélène Sergent

Hélène Sergent

Près de trois millions d’électeurs s’étaient déplacés en 2011, militants et sympathisants, pour désigner « le » candidat de la gauche. Cinq ans après ces primaires ouvertes, qualifiées de « réussite » par nombre de ténors socialistes, la tenue d’un tel scrutin semble de moins en moins certaine.

L’appel, lancé ce lundi par des intellectuels et des artistes engagés, pour l’organisation d’une nouvelle élection à gauche, avant 2017, peut-il changer quelque chose ? Peu probable à en croire la direction du parti et les observateurs politiques. Logistiques, historiques et stratégiques, les raisons ne manquent pas pour discréditer l’hypothèse d’un vote avant le scrutin présidentiel.

« Pas impossible mais peu probable »

Depuis plusieurs mois, le chef de file des socialistes, Jean-Christophe Cambadélis, ne s’en cache plus : la primaire a peu de chance d’aboutir. Dans une interview accordée au Monde le 29 avril 2015, le premier secrétaire affirmait clairement son désir de voir François Hollande se représenter en 2017. Neuf mois après, sa position n’a pas changé : « Pas impossible mais peu probable » que la désignation d’un candidat de la gauche se fasse dans les mêmes conditions qu’en 2011.

« Cette primaire n’est pas impossible mais peu probable. (2/2). #Primaireagauche #franceinfo — Jean-Chr. Cambadélis (@jccambadelis) January 11, 2016 »

Pour Rémy Lefebvre, professeur de sciences politiques à l’université de Lille 2 et auteur de l’essai « Les primaires socialistes, la fin du parti militant » (Ed. Raisons d’agir, 2011), la gauche est dans l’impasse. « Les divisions sont telles au sein et à l’extérieur du PS que les primaires apparaissent comme la panacée. C’est la seule solution mais pas sûre que ce soit la bonne », analyse l’enseignant.

D’autant que le statut de Président de la République de François Hollande n’arrange rien à la tenue éventuelle d’une telle élection : « S’il y a des primaires, c’est que Hollande ne sera pas candidat. Et imposer des primaires, c’est empêcher qu’Hollande soit candidat, il n’ira pas. Qu’un Président en exercice se prête au jeu, c’est impensable, et il serait sûr de la perdre »


Un clivage qui date

Les dissensions sur l’organisation des primaires dépassent également le seul périmètre du parti socialiste. Si plusieurs membres du parti écologiste EELV y sont favorables, la gauche de la gauche, Mélenchon compris, s’y oppose depuis longtemps. Il l'a d'ailleurs répété ce lundi, en marge des vœux de Pierre Laurent (PCF) : «Moi je n'y serai pas parce que quand on va à une primaire, c'est qu'on en accepte le résultat et si Hollande vient, je n'ai aucune raison de le faire alors que je le combats depuis 2012.»

« #Primaireagauche ou le CDD raté de Hollande. Organisons nous mieux pour le prochain entretien d’embauche ! https ://t.co/DAReYFXoQi — Julien Bayou (@julienbayou) January 11, 2016 »

Pour le politologue Thomas Guénolé, ces désaccords traduisent un débat plus profond qu’il n’y paraît : « En surface, on assiste à un clivage entre les légitimistes et les légalistes. Entre ceux qui considèrent François Hollande comme étant le candidat naturel de la gauche et qui refusent les primaires, et ceux qui considèrent que les statuts du parti socialiste imposent cette désignation par les militants. Mais au fond, c’est surtout la résurrection du débat sur l’austérité. Ceux qui veulent ces primaires s’opposent à la ligne prônée par Hollande, ceux qui les rejettent soutiennent la ligne du Président ».

>> Présidentielle 2017: L’appel d’intellectuels et de dirigeants écologistes pour une primaire à gauche

Outrepasser les statuts

Et peu importe que l’organisation des primaires soit inscrite dans les statuts du parti socialiste, pour Rémy Lefebvre, le parti n’a pas toujours respecté ces textes. L’autre difficulté quant à la tenue de cette élection réside surtout en l’absence de candidats légitimes capables de s’opposer à François Hollande.


« Aujourd’hui, quatre personnalités de gauche disposent de la notoriété, du charisme et du socle militant suffisants pour affronter Hollande : Martine Aubry, Arnaud Montebourg, Manuel Valls et Jean-Luc Mélenchon. Sauf qu’aucun ne s’est déclaré. Aubry est fondamentalement velléitaire, Montebourg est en retrait de la scène politique, Valls a répété qu’il soutiendrait Hollande en 2017 et Mélenchon s’oppose aux primaires », observe Thomas Guénolé.

Et le casse-tête ne s’arrête pas là, si le parti décidait de respecter ses propres statuts, la direction devrait déterminer la date des primaires un an avant la date de l’élection présidentielle, soit en avril prochain. Il resterait alors à la gauche, trois mois pour s’accorder.