INTERVIEWFrappes contre Daesh en Syrie: «François Hollande est dans une «stratégie du "moins pire"»

Frappes contre Daesh en Syrie: «François Hollande est dans une «stratégie du "moins pire"»

INTERVIEWFrançois Hollande a revu sa position dans la lutte contre l’organisation Etat islamique en Syrie…
Laure Cometti

Propos recueillis par Laure Cometti

François Hollande a annoncé ce lundi un changement de stratégie dans la lutte contre Daesh en Syrie. La France, qui participe depuis un an aux frappes aériennes menées par une coalition internationale en Irak, refusait jusqu’à présent d’intervenir dans le pays gouverné par Bachar al-Assad. Le président a revu sa position.

Fini la politique du « ni ni » - ni Bachar al-Assad, ni Daesh. Dès mardi, l’armée française mènera des vols de reconnaissance au-dessus du pays, en lien avec la coalition. « Ensuite, selon les informations que nous recueillerons, les renseignements que nous aurons collectés (…) nous serons prêts à faire des frappes », a précisé le chef de l’Etat lors d’une conférence de presse organisée ce lundi à l’Elysée. Bruno Tertrais, maître de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et spécialiste de géostratégie analyse pour 20 Minutes l’impact de cette volte-face diplomatique.

Comment expliquer ce retournement diplomatique de la France ?

Il y a un an, le gouvernement français souhaitait avant tout éviter de contribuer à renforcer Bachar al-Assad. En outre, Paris utilisait l’argument de l’absence de base juridique. Sans sollicitation du gouvernement légitime ni mandat international, l'Elysée ne souhaitait pas justifier une intervention militaire contre Daesh sur le sol syrien. Mais cet argument semble aujourd'hui moins pertinent car les combattants de Daesh ont gagné du terrain. L’autre facteur, c’est que certains attentats commis ou fomentés sur le sol français semblent trouver leur origine en Syrie. Je ne suis toutefois pas sûr que les futures frappes en Syrie puissent avoir un impact sur les actes terroristes en France.

Les frappes aériennes seules peuvent-elles être efficaces pour lutter contre Daesh ?

Les frappes peuvent permettre de donner un coup d’arrêt à la progression de Daesh. Il est difficile d’en faire davantage sans troupes au sol, mais pour l’instant aucun pays n’est prêt à envoyer des soldats en Syrie. La France, avec la coalition anti-Daesh, est plutôt dans une stratégie du « moins pire », en essayant d’avoir un impact sur la situation à la marge. Jusqu’à présent, les frappes menées par la coalition anti-Daesh en Syrie et en Irak ont permis de contenir un peu son expansion, mais dans des proportions limitées. Mais c’est une stratégie de long terme, et qui n’est pas seulement militaire : on cherche par exemple à limiter les revenus financiers de Daesh.

Concrètement, comment frapper Daesh sans risquer de renforcer Bachar al-Assad ?

Ce n’est pas un problème car l’armée régulière syrienne n’opère plus dans les zones contrôlées par Daesh. Les soldats de Bachar al-Assad ne font plus grand-chose pour contre-attaquer dans les zones contrôlées par l’organisation Etat islamique.

« #Syrie : "Cette transition est nécessaire. Rien ne doit être fait pour consolider la position de Bachar el-Assad" #ConfPR — Élysée (@Elysee) 7 Septembre 2015 »

Cette intervention militaire comporte-t-elle d’autres risques, notamment en matière de sécurité intérieure ?

J’en doute. On constate depuis des années que la France est visée par des actes terroristes, avant même qu’elle ne se soit engagée militairement contre Daesh en Syrie.

Participer aux frappes aériennes en Syrie, est-ce aussi une étape pour s’impliquer davantage dans le jeu diplomatique international ?

C’est une façon de renforcer le poids de la France dans les tentatives de résolution politique de la crise syrienne qui devraient prendre forme dans les mois à venir. Dans cette même perspective, la Grande-Bretagne a elle aussi accru ses efforts militaires en Syrie [le Premier ministre britannique David Cameron a révélé ce lundi que son pays avait mené une première frappe anti-Daesh en Syrie fin août 2015 avec un drone].