Consulter le patrimoine de nos députés, un parcours semé d'embûches
PATRIMOINE•Depuis dix jours, chaque citoyen peut consulter les déclarations de patrimoine des élus. « 20 Minutes » a testé le dispositif…Hélène Sergent
«Rendre public, c’est du voyeurisme ». Penché au-dessus du document confidentiel faisant état des biens de Claude Bartolone, on est tenté de lui donner raison. Vivement opposé à la déclaration de patrimoine des députés et sénateurs, le président de l’Assemblée a dû, au même titre que ses collègues, transmettre l’état des lieux de sa situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Votées à la suite du scandale provoqué par l’affaire Cahuzac, ces déclarations peuvent être consultées depuis le 13 juillet dernier au siège de la préfecture du département où est élu le parlementaire. 20 Minutes s’est glissé dans la peau d’un citoyen lambda et s’est intéressé à la déclaration de Claude Bartolone, dans des conditions propres aux méandres de l’administration française.
« C’est bizarre, nous n’avons pas été prévenus »
Première difficulté rencontrée dans notre quête de transparence, l’absence de communication auprès des employés de la préfecture. Au standard, on nous indique qu’aucun fonctionnaire n’a été informé de cette nouvelle disposition : « Essayez de contacter le Conseil général, ils pourront peut-être vous aiguiller davantage ». On note et on tente. A l’autre bout du fil, le standardiste est perplexe : « Nous n’avons rien à voir avec les députés, ce n’est pas le département qui gère ça. Essayez de voir directement avec le service informatique de l’Assemblée Nationale ? ». On se retient de rire et on y retourne. Le récit de nos coups de téléphone irrite le fonctionnaire du palais Bourbon : « C’est évidemment la préfecture qui gère ces demandes. Il ne faut pas céder à la technique de la balle de ping-pong ! Faite une demande écrite, insistez ». Revigorés par les conseils de notre interlocuteur, on abat notre dernière carte : le mail. La réponse tombe vingt-quatre heures plus tard avec un numéro de téléphone dédié.
Capture d’écran du site de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. - DR
« Ça ne se bouscule pas pour le moment »
Dans chaque préfecture, le bureau des élections centralise et répartit les demandes de consultation des déclarations de patrimoines. Le rendez-vous est pris dans la semaine, ce 24 juillet à Bobigny. Le salarié avoue « que les demandes ne se bousculent pas pour le moment, mais celle de Monsieur Bartolone est la plus demandée ». Seules conditions pour examiner le document : présenter une carte d’identité, une carte d’électeur ou une attestation d’inscription sur les listes électorales. Mais ces obligations fixées par la loi sur la transparence de la vie publique ne sont pas les plus restrictives. Le texte signale que « le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations de situation patrimoniale ou des observations relatives à ces déclarations est puni de 45.000 euros d’amende ».
« Ça risque d’être rapide »
Accueilli par un agent de la préfecture, il est impératif de signer une décharge pour attester que l’on a pris connaissance des risques encourus en cas de publication. Le salarié, présent à nos côtés tout au long de la consultation, rappelle qu’il est interdit d’avoir un stylo, un appareil photo ou tout matériel permettant d’enregistrer. « Vous n’avez droit qu’à votre mémoire », sourit le responsable du bureau des élections. La déclaration du président de l’Assemblée nationale est sur la table, l’employé prévient : « Vous ne risquez pas d’en avoir pour très longtemps… ».
Si à Bobigny, il est possible de consulter les patrimoines de plusieurs députés de Seine-Saint-Denis, cela diffère d’un département à un autre et il faut préciser lors de la prise de rendez-vous les noms du ou des parlementaires choisis. Dans le document de quatre pages, les comptes en banques, les prêts contractés, la valeur des biens immobiliers, les actions, les éventuelles œuvres d’art ou bijoux de plus de 10.000 euros détenus par les élus sont soigneusement détaillés. Les mentions privées (noms, adresses, numéro de compte) ont, elles, été grisées. Sans note, difficile pour le citoyen, même averti, de saisir la HATVP en cas de « doute » sur la pertinence et la fiabilité des déclarations.