CLASHFront national: La guerre entre Jean-Marie et Marine Le Pen met-elle le parti en danger?

Front national: La guerre entre Jean-Marie et Marine Le Pen met-elle le parti en danger?

CLASHLa guerre entre père et fille Le Pen n'en finit plus, au risque de mettre en danger le parti qu'il a fondé et qu'elle dirige?...
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

«Je suis dur, encore plus dur que ça, ça ne fait que commencer, pour eux», a menacé ce mardi matin Jean-Marie Le Pen. Le patriarche, suspendu, blessé, promet une avalanche de soucis pour sa fille qu’il souhaite déshériter… Mais le vieux lion a-t-il encore un pouvoir de nuire? Quelles seront les conséquences sur le FN de cette tragédie familiale sanglante?

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Accentuer la dédiabolisation

S’il est encore tôt pour mesurer les éventuels ravages, le parti ne devrait pas exploser. Jean-Marie Le Pen n’incarne pas l’avenir et reste assez isolé. Bruno Gollnisch, historique du FN, déjà en retrait a assuré: «Je ne suis pas là pour arbitrer, pour compter les bons ou les mauvais points». Même Marion-Maréchal Le Pen s’est montrée très discrète ces dernières semaines. Et vient même de désavouer le patriarche dont elle est très proche familialement comme idéologiquement.

Par ailleurs, ce départ ne risque pas de diviser l’électorat frontiste. «Les militants opposés à Marine sont déjà partis ces dernières années, assure Joël Gombin, chercheur en sciences politique et enseignant à l’université de Picardie. Le parti pourrait peut-être vivre un effritement marginal de ses adhérents, mais qui pourrait être compensé par l’arrivée de nouveaux sympathisants.»

Car cet épisode va accentuer la dédiabolisation du parti, qui pourrait élargir son électorat. «Débarrassé de ses oripeaux antisémites et racistes, le FN pourrait convaincre encore davantage», explique Joël Gombin. La colère de Jean-Marie Le Pen pourrait donc faciliter la tâche de Marine plutôt que la lui compliquer. Autre conséquence positive pour la présidente: «ce débat a forcé ceux qui ne sont pas sur la même ligne politique que Marine à se positionner: soit ils sont avec elle, soit ils soutiennent les positions indéfendables de Jean-Marie Le Pen, analyse le politologue membre de l’observatoire de la radicalité politique à la Fondation Jean-Jaurès. Cette séquence peut renforcer l’assise de Marine Le Pen et limiter la contestation.»

Jean-Marie Le Pen garde un pouvoir de nuisance

En revanche, Jean-Marie Le Pen, à la tête du FN pendant quarante ans, garde des cartes en main pour nuire à sa fille. «Il est vraisemblable que Jean-Marie Le Pen ait des dossiers sur les uns et les autres et qu’il saura les sortir, explique le chercheur. En même temps, c’est réciproque! On risque de se retrouver dans l’atmosphère qui a suivi la scission de Bruno Mégret en 1998, un grand déballage», confie Joël Gombin. Mais l’arme du patriarche en colère s’avère aussi financière. Jean-Marie Le Pen contrôle en effet le micro-parti Cotelec, qui récolte les dons et sert de banque au FN. «Il pourrait utiliser cette cagnotte pour aider une opposition interne ou soutenir une autre force politique», anticipe le spécialiste de l’extrême droite.

La question se joue aussi côté communication: la présidente doit éviter de crisper son électorat. «Les propos sur les chambres à gaz, «détail» de l’Histoire ont été défendus comme liberté d’expression, analyse Gilles Ivaldi, politologue au CNRS. Chez les frontistes, ces positions nourrissent le sentiment anti-élites. Si elle sanctionne trop fort, elle risque d’apparaître comme inféodée à un système qu’elle dénonce.»

Les vrais enjeux du congrès

Mais ce clash médiatique cache un plus grand enjeu: quel programme pour 2017? «Au dernier congrès, Florian Philippot a été mis en minorité [arrivé quatrième avec 69% des votes internes], rappelle Joël Gombin. Il incarne une ligne économique et sociale contestée, notamment par Marion Maréchal Le Pen. Ce nouveau congrès de rattrapage [d'ici trois mois] peut être l’occasion pour lui d’acquérir une légitimité. Il faut savoir si ce congrès va être l’occasion pour Marine Le Pen de pousser plus loin la mue du parti.»