INTERVIEWElections départementales: «C'est une déculottée pour toute la gauche»

Elections départementales: «C'est une déculottée pour toute la gauche»

INTERVIEWPascal Perrineau, professeur à Sciences Po, spécialiste de sociologie électorale, analyse le premier tour des élections départementales pour «20 Minutes»...
David Blanchard

Propos recueillis par David Blanchard

La droite UMP-UDI est arrivée nettement en tête dimanche du premier tour des départementales avec 32,5% des voix (Ipsos), devant le FN à 25% - mais en tête dans 43 départements sur 98 concernés - au coude à coude avec le PS en 3e position avec 24%, mais qui peut perdre la moitié des 61 départements que la gauche détenait jusqu'ici.

Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po, spécialiste de sociologie électorale, analyse ces résultats pour 20 Minutes.

Le score du Front national est-il décevant pour le parti de Marine Le Pen?

On ne commente pas les élections à partir des sondages, mais par rapport à l'élection précédente, celle de 2011. Le FN est passé de 15 à 25%. Sa dynamique est très importante. On a affaire sur le plan local à un espace tripolaire. La droite est nettement en tête, et le FN et la gauche sont roue dans roue. C'est une nouveauté pour le FN d'être au même niveau que les grandes forces de gouvernement sur le plan local. Il est la première force dans l'Aisne, la Somme, l'Oise, la Haute-Marne, où il a quatre élus dès le premier tour... Le FN se porte bien même si symboliquement il n'est pas devenu le premier parti.

N'est-ce pas d'ailleurs une erreur de communication qui se retourne contre Marine Le Pen que d'avoir annoncé cette ambition d'être en tête au premier tour?

Elle a été intoxiquée par les sondages, mais ceux-ci restent fragiles. Une partie des électeurs a pu être tentée, mais a eu un doute au dernier moment. Elle a sous-estimé ces revirements, mais cela reste une dynamique impressionnante sur un terrain traditionnellement hostile qu'est celui des élections locales.

L'UMP arrive en tête de ce premier tour: est-ce la victoire de Nicolas Sarkozy, son nouveau président?

C'est en tout cas la première bonne nouvelle depuis qu'il est à la tête de l'UMP. Personne n'avait beaucoup de gratitude pour cette fonction obscure. Il a construit sa première victoire électorale depuis qu'il est à la tête de l'UMP. Sa stratégie s'appuie sur cette victoire de la droite locale. Sur le terrain, ces élus sont capables de créer un lien de confiance avec les électeurs. Dans les conseils municipaux, départementaux, on leur fait confiance. Sarkozy prenait cette droite de haut, mais elle lui apporte la victoire.

Le score du PS semble difficilement lisible, et est contesté par le Front de gauche et une partie des Verts.

Les forces politiques s'allient dès le premier tour, parfois avec des écologistes, dans une logique de scrutin à deux tours. Mais la désunion lui a coûté cher. Le gauche faisait presque 50% en 2011, contre 35 cette fois. C'est une déculottée pour toute la gauche. C'est aussi un bide absolu pour la gauche alternative: le Front de gauche fait 6%, les Verts 2% même s'il y a un problème de comptabilité.

Les électeurs se sont aussi plus déplacés que prévu: ces redécoupages sont une réussite?

L'abstention est quand même 10% au-dessus des cantonales précédentes, mais on a évité le pire. C'est l'impact de la dramatisation et de la nationalisation de ces élections, mais la bouderie civique demeure.