Législative dans le Doubs: «Il y a une fracture au sein de l'électorat de l'UMP»
INTERVIEW•Après l'élimination du candidat UMP à la législative partielle dans le Doubs, Nicolas Sarkozy «laisse les électeurs choisir» entre le PS et le FN. L e politologue Thomas Guénolé déplore «l' absence de position» de la direction du principal parti d'opposition...Anissa Boumediene
Le président de l'UMP a fini par trancher entre le «ni-ni» et le barrage contre «le FN». Nicolas Sarkozy «laisse les électeurs choisir» entre le PS et le FN, sans donner de consigne. Le politologue Thomas Guénolé analyse ce «choix politique».
Pourquoi est-ce si difficile pour l'UMP de prendre une position claire en cas de duel FN-PS?
Au sein de l'état-major du parti, il y a des points de vue différents. Il y a ceux, comme Alain Juppé et NKM, qui appellent à faire barrage au FN. Minoritaires en nombre, ils pèsent en termes d'électorat. D'autres, à voir du côté des transfuges du FN qui ont rejoint l'UMP, seraient peut-être tentés de voter frontiste. Mais cette ligne-là, personne ne l'assume publiquement aujourd'hui. Il y a aussi ceux qui estiment qu'il vaut mieux voter blanc ou s'abstenir. C'est différent du «ni-ni», choisi par la direction du parti, qui consiste à ne pas donner de consignes de vote et à laisser les électeurs décider eux-mêmes. Mais ça, c'est une absence de position.
En même temps, deux tiers des sympathisants de l'UMP se déclarent favorables au «ni-ni» (selon un sondage Ifop pour LCI et Le Figaro)...
Non, en réalité, les électeurs voient dans le «ni-ni» une réponse à la question «Êtes-vous pour ou contre le fait que votre parti vous dise pour qui voter?». Evidemment, ils n'ont pas envie qu'on leur donne des ordres. En revanche, que l'UMP exprime une ligne politique, ce qu'elle ne fait pas, c'est autre chose, or c'est le travail de tout parti.
Est-ce parce que l'UMP est allergique au front républicain?
Le vrai problème, c'est qu'il y a une fracture au sein de l'électorat de l'UMP. Il est coupé en deux entre les électeurs qui considèrent que les idées du FN, voire des alliances avec ce parti, sont acceptables, et ceux qui pensent l'exact contraire. A cause de cette fracture, depuis 2011, Nicolas Sarkozy a balayé le front républicain auquel adhérait la droite dans l'esprit du 21 avril 2002. Et ce dans une logique de siphonage des voix des électeurs du FN à l'entre-deux tours. Dire que les électeurs sont assez grands pour décider seuls, ce n'est pas la vraie question.
Quelle est la vraie question alors?
C'est de savoir si le FN est républicain ou non. Si oui, il n'y a pas matière à faire front contre lui. Si non, il faut se mobiliser. Etre républicain, c'est adhérer à l'idéologie du républicanisme: l'affirmation de l'égalité politique de tous les citoyens selon le principe de méritocratie. Donc tout message stigmatisant, homophobe, islamophobe et sexiste n'est pas républicain. C'est à ce titre qu'il faut analyser si le FN est républicain ou non.
Or, il y a deux FN: le FN lepéniste, qui n'est pas républicain, considère que les homosexuels sont des malades mentaux, parle de lobby juif, estime que Vichy est pardonnable et que la population française de souche va disparaître sous le poids d'une immigration musulmane massive. Et le FN de Florian Philippot, souverainiste et protectionniste, mais dont le message n'est pas antirépublicain.
La question, c'est de savoir de quelle branche se réclame la candidate Sophie Montel. En l'espèce, c'est une candidate qui, en croyant à «l'évidente inégalité des races», prouve sa filiation au FN lepéniste et à ce titre, met en lumière la nécessité d'un front républicain, auquel l'UMP aurait dû appeler en bloc.