Faut-il supprimer le Premier ministre?
INSTITUTIONS•Près de 36.3% des Français y sont favorables...Thibaut Le Gal
Ils veulent la peau du Premier ministre. Pas celle de Manuel Valls, mais de la fonction. Un proche de l’actuel résident de Matignon, Luc Carvounas, sort lundi La politique autrement (éd. Jean Jaurès). Dans son essai sur la réforme des institutions, le sénateur socialiste propose notamment de supprimer le poste de chef de gouvernement. «Il est important d’ouvrir un débat sur le fonctionnement de nos institutions. Ce sera un thème important lors de la prochaine campagne présidentielle car la démocratie doit trouver un nouveau souffle».
D’après un sondage exclusif de YouGov pour 20 Minutes, 36.3% des Français y sont favorables (44.6% sont contre, 19.2% ne se prononcent pas). La proposition trouve un certain écho dans l’opinion, mais n’est pas nouvelle. Si Simone Veil avançait déjà cette idée en 1991, elle refait surface depuis quelques semaines au sein de la classe politique. «Depuis l’origine de la Ve République, la dyarchie de l’exécutif est un défaut structurel de notre Constitution», reconnaît Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel et ancien membre de la commission Jospin. «Contrairement aux autres pays européens, la France a un exécutif à deux têtes. La question est de savoir laquelle on supprime».
«Le président ne peut plus être au-dessus de la mêlée»
Dans Je ne me tairai plus, paru en octobre, Claude Bartolone estime que la Ve République est à bout de souffle. «Les fonctions de Premier ministre et de président de la République se brouillent un peu plus chaque jour», explique le président de l'Assemblée nationale. «Nous avons mis les présidents de la République à l'abri, derrière de larges murailles, et demandé aux Premiers ministres d'assumer la responsabilité de décisions prises à l'Elysée».
Même constat chez Yann Galut, et les membres de son courant PS, «Cohérence socialiste». «L’époque a changé. Le président ne peut plus être celui qui trace le cap général, au-dessus de la mêlée», insiste le député. «Les Français attendent de François Hollande qu’il monte au front. Faisant ce constant, il nous a semblé que le poste de Premier ministre n’avait plus aucun sens». A droite, François Fillon avait plaidé pour une disparition à terme de la fonction dès 2007. Nicolas Sarkozy s'y est lui récemment opposé, «parce qu'il est important d'être secondé».
Plus de pouvoir au Parlement
Les partisans de la suppression souhaitent rééquilibrer le pouvoir en faveur du Parlement et supprimer le droit de dissolution du président. «Ce rééquilibrage nous évitera des mesures, décidées par le chef de l'Etat seul, et donc intouchables, à l'image du CICE», regrette Yann Galut.
Une mission sur l’avenir des institutions vient d'être mandatée. Elle compte 11 personnalités et 11 parlementaires et est présidée par l’historien Michel Winock et Claude Bartolone. «Il faut trouver comment revitaliser la démocratie. Il faut que les institutions bougent: il ne suffit pas de supprimer des députés ou le poste de Premier ministre, pour répondre à la défiance généralisée vis-à-vis de la classe politique», lâche un ministre. «Si on ne répond pas à ce vide, ceux qui contestent le système ne pourront que se développer».