Remaniement du gouvernement: «Nous sommes prêts pour la VIe République»
INTERVIEW•Professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-I, Bastien François revient sur la démission du gouvernement et ses conséquences pour les institutions…Propos recueillis par Vincent Vanthighem
Des ministres qui parlent à tort et à travers. Un président à 17 % d’opinions favorables. Et une Assemblée nationale secouée par une bande de frondeurs. Inutile de chercher. La situation actuelle n’a pas d’équivalent en France depuis 1945. Professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-I, Bastien François revient sur la crise politique actuelle pour 20 Minutes et surtout sur les conséquences qu’elle pourrait avoir sur nos institutions.
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L’UMP, le FN et le Parti de Gauche appellent à une dissolution de l’Assemblée après la démission du gouvernement. Les conditions pour cela sont-elles réunies?
Le président de la République n’a pas de contrainte constitutionnelle pour dissoudre l’Assemblée. Il peut le faire quand il veut. En revanche, il a de grosses contraintes politiques. Quel est le sens d’une dissolution? Il s’agit pour le chef de l’Etat de demander aux Français de lui donner une majorité à l’Assemblée pour continuer à gouverner.
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En 1997, on n’était pas sûr que Jacques Chirac récupère cette majorité. Mais aujourd’hui… Personne n’imagine que François Hollande aura une majorité s’il décide d’une dissolution. Ce serait un aveu d’impuissance, une forme de suicide, même. Autant qu’il démissionne tout de suite.
Et si les frondeurs montent encore en puissance et décident de voter contre le budget en octobre?
Théoriquement, la dissolution doit en effet servir en cas de conflit entre l’Assemblée nationale et le gouvernement. Mais je ne crois pas que les frondeurs iront jusque-là. Voter contre le budget revient à provoquer des élections législatives anticipées.
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Combien sont prêts à retourner mettre leur mandat en jeu devant les Français dans la situation actuelle. Ils seraient sûrs de perdre leur circonscription. Et puis n’oublions pas que la gauche possède encore une majorité assez large à l’Assemblée.
Mais alors, si la crise s’intensifie, que peut faire François Hollande?
Il peut encore changer de Premier ministre. Il peut encore remanier son gouvernement. Même si cela semble peu probable. La démission de son gouvernement actuel apparaît en effet un peu comme une dernière cartouche.
D’aucuns en profitent pour évoquer la fin de la Ve République. Nos institutions sont-elles à bout de souffle?
Je pense que nous sommes dans un processus assez long d’implosion. Il y a quinze ans, cela marchait. Mais aujourd’hui? Nous avons un président impopulaire. Des ministres qui critiquent l’exécutif. Et une Assemblée secouée par une bande de frondeurs. Cela illustre le très fort vieillissement de nos institutions. On a coutume de dire que la Ve République, c’est une Formule 1. Tout le monde ne peut pas la conduire au risque d’aller un jour dans le mur.
C’est-à-dire?
Jusqu’à François Mitterrand, ça allait. Ensuite Jacques Chirac a conduit à 2km/h, donc il n’y avait pas de risque. Après lui, Sarkozy a tenté de devenir l’hyperprésident pour sauver le système mais ça n’a pas fonctionné. Hollande, lui, serait plutôt l’hypoprésident. Ca ne fonctionne pas plus.
L’opinion publique est-elle prête pour la VIe République?
Petit à petit, on va y arriver. Tout le monde se rend compte que le système ne fonctionne plus. C’est l’occasion d’ouvrir le débat sur nos institutions. Il y a dix ans, ce n’était qu’une idée. Mais depuis, des chercheurs ont travaillé, des hommes politiques ont écrit sur le sujet. On dispose de tous les outils intellectuels. Nous sommes prêts pour la VIe République.
L’idée serait donc de trancher enfin entre un régime présidentiel et un régime parlementaire?
Tout à fait. Il serait temps de savoir qui dirige réellement le pays. Et puis, cela permettrait aussi de régler le problème de représentativité. Est-il normal que le Front national ait si peu de place à l’Assemblée après ses résultats électoraux? D’aucuns disent que ce parti est dangereux. Il le serait peut-être moins en ayant sa vraie place au Parlement.