«C'est toute la gauche qui est aujourd’hui au bord du précipice»
INTERVIEW•L'ex-eurodéputé Liem Hoang Ngoc, membre du courant socialiste Un monde d'avance, lance formellement ce samedi son nouveau club de réflexion, le club des socialistes affligés. Il explique pourquoi à «20 Minutes»...Propos recueillis par Maud Pierron
Samedi, le club des socialistes affligés, créé mi-mai par le socialiste Liem Hoang Ngoc et le professeur de Sciences-politique Philippe Marlière, tient son premier colloque. Sa raison d’être? Contester l’orientation politique prise par le chef de l’Etat et réfléchir pour reconstruire idéologiquement la gauche. Liem Hoang Ngoc nous explique sa démarche.
Après les élections municipales, vous étiez affligés. Quel terme auriez-vous utilisé après les Européennes?
Extrêmement inquiets! Nos électeurs n’y croient plus. Ils votaient jusqu’alors PS parce qu’ils considéraient que nous étions le principal parti en mesure d’accéder au pouvoir pour essayer une autre politique. Beaucoup considèrent avoir été trahis. Les militants PS rendent leur carte les uns après les autres dans les fédérations. C’est toute la gauche qui est aujourd’hui au bord du précipice. Car malgré leur sortie de l’exécutif, les Verts sont parfois considérés comme complaisants à l’égard de la politique menée. Et le Front de gauche n’est pas perçu comme dépositaire d’une alternative crédible.
Quel est l’événement qui vous a poussé à créer le club des socialistes affligés?
L’idée du club a germé le 28 novembre 2012, après la conférence de presse au cours de laquelle François Hollande a annoncé son penchant pour le «politique de l’offre» et la mise en place du crédit d’impôt sans contrepartie aux entreprises de 20 milliards. Philippe Marlière et moi pensions qu’il fallait créer un «think tank» pour contrebalancer la droitisation idéologique du débat politique, à gauche y compris. Mais nous ne voulions pas entraver la réussite de la nouvelle expérience de gauche en lançant prématurément le débat. Nous savions cependant que la politique choisie avait peu de chance d’être populaire et de réussir. Dans une démocratie, les partis ne comprennent que la sanction du suffrage universel. C’est pourquoi le meilleur moment pour lancer le club était le lendemain des municipales.
Dans la majorité, les choix de François Hollande sont actuellement souvent contestés et de différentes manières (appel des 100 députés, courants de l’aile gauche du PS, initiatives personnelles), pourquoi ne pas unir vos forces?
Ces initiatives sont complémentaires et se coordonnent souvent. Comme eurodéputé, je fais partie de ceux qui ont signé l’appel des cent parlementaires ayant tenté de relancer le débat. Malheureusement, l’action parlementaire rencontre rapidement ses limites dans la cinquième République, où c’est le choix du président de la République qui s’impose. Il n’y a pas de respiration démocratique. Nos parlementaires déposeront des amendements mais hésiteront certainement à provoquer une crise politique en votant contre la loi de finance rectificative.
Mais un congrès au PS est plus que jamais nécessaire pour débattre du choix lourd qui nous a été imposé sans débat préalable par François Hollande. Cela pousserait alors peut-être le chef de l’exécutif à changer d’orientation et à élargir la majorité pour mener une politique progressiste. Malheureusement, ce scénario, qui permettrait d’éviter une nouvelle débâcle aux régionales, puis à la présidentielle, n’est pas le plus probable. Le risque est bel et bien que la gauche ne soit pas au deuxième tour en 2017. Il faudra donc rapidement penser à sa reconstruction.
Quel est votre objectif?
Pour devenir majoritaire, une recomposition de la gauche se ferait logiquement au sein d’une nébuleuse comprenant du rose, du rouge et du vert. La vocation du club est aussi de rassembler ce qu’il reste de rose, parce que nous sommes convaincus que les idées socialistes sont plus que jamais d’actualité. Notre club est plus qu’un think tank «parisien». Il aura des relais dans toutes les fédérations où seront organisés des débats publics avec nos partenaires naturels: Verts, Front de gauche, syndicats, associations.
Est-il déjà trop tard pour sauver le quinquennat?
Il n’est jamais trop tard en politique. Encore une fois, dans la Vème République, tout dépend d’un homme. Mais le cap qu’il a fixé jusqu’à 2017 paraît malheureusement définitif.