Martin Schulz: «Je comprends le désespoir des Européens»
INTERVIEW•Rencontre avec Martin Schulz, le candidat des socialistes à la présidence de la Commission européenne...Propos recueillis par Céline Boff
Si le Parti socialiste européen (PSE) remporte les élections européennes, l’Allemand Martin Schulz deviendra le président de la Commission européenne. Avec quelles ambitions? 20 Minutes lui a posé la question. Rencontre.
Quelles sont les priorités de votre programme?
J’en ai deux. Primo, la lutte contre le chômage des jeunes. Ensuite, quand un salarié travaille en France, il paie ses impôts en France. Cela s’applique à tous les citoyens, mais pas aux entreprises. Résultat: ces dernières installent leurs sièges là où les taxes sont les plus faibles. Je veux défendre auprès des 28 Etats membres un principe simple: le pays du profit doit être celui de l’impôt.
Le Parti populaire européen (PPE, dont est membre l’UMP) défend lui aussi un programme social. En quoi le vôtre diffère-t-il?
Comme souvent, la droite mène une campagne très sociale, mais lorsqu’elle accède au pouvoir, elle applique une politique très à droite. Nous l’avons vu ces dernières années. Contrairement au PPE, mon parti ne pense pas que les politiques d’austérité permettent de reconquérir la confiance des investisseurs. Pour nous, seule la croissance peut assainir les budgets nationaux.
Comment recréer cette croissance?
Les PME sont la colonne vertébrale de nos économies et depuis la crise bancaire, elles accèdent difficilement aux crédits. Elles ne peuvent donc ni investir, ni embaucher. Je veux un programme spécifique pour que ces PME puissent obtenir des crédits à des conditions raisonnables, principalement dans les Etats en crise.
Pour nombre d’Européens, Bruxelles protège davantage les intérêts des entreprises que ceux des citoyens. Partagez-vous ce constat?
Non, mais je partage la crainte que, pour nombre de gouvernements, la libre circulation des capitaux, des produits et des services est prioritaire sur les droits des individus et sur les droits sociaux. J’ai toujours lutté pour l’inverse. Si je deviens président de la Commission européenne, je me battrai pour ce principe d’équilibre entre l’économie et la protection sociale.
Les Européens s’inquiètent aussi de ce qu’il y a dans leurs assiettes. Que leur répondez-vous?
Je comprends ces préoccupations. Nous devons nous nourrir de manière saine et si je deviens le président de la Commission européenne, je reviendrai sur le feu vert donné par Bruxelles aux OGM et aux farines animales, qui ont à nouveau été autorisées pour nourrir les poissons d’élevage.
La Commission européenne trouve que le smic est trop élevé en France. Partagez-vous ce point de vue?
Non et je pense que les commissaires devraient davantage se pencher sur la question des grands revenus et sur celle de l’évasion fiscale. D’après les estimations, mille milliards d’euros échappent à la fiscalité des pays européens. Si nous en récupérions seulement une partie, nous pourrions lutter contre les déficits publics de manière bien plus efficace.
Comprenez-vous la montée de l’euroscepticisme et même de l’europhobie, en particulier en France?
Il n’est pas facile de s’en sortir avec 1.000 ou 2.000 euros par mois. Les citoyens ont l’impression que l’Europe ne s’intéresse pas à leurs difficultés et je comprends ce désespoir. C’est pour cela que je me présente. J’ai été maire d’une ville de 40.000 habitants pendant onze ans [la commune allemande de Würselen], je connais les préoccupations des citoyens et je veux mettre leur sort au centre de mon action.
D’après les sondages, le FN devrait battre votre parti en France…
Le Front national trouve des boucs émissaires pour tout, mais n’est une solution pour rien. En tant que président du Parlement européen, je le vois bien: Marine Le Pen ne fait strictement rien et si elle remporte demain 10 ou 12 sièges, cela ne changera pas.
En tant qu’Allemand, quel regard portez-vous sur la France?
La France est un pays qui doute mais qui, dans le même temps, défend au Mali toutes les valeurs européennes. Cette nation est une grande puissance, elle a une tradition historique admirable et je suis certain que Manuel Valls et son gouvernement vont la redresser.
Si vous êtes élu à la tête de la Commission, cela pourrait entériner le pouvoir de l’Allemagne en Europe…
Je ne me présente pas au nom de l’Allemagne même si je suis Allemand, eurodéputé et candidat au Parlement européen sur la liste SPD [le parti social-démocrate allemand]. Je suis surtout Européen, engagé pour une Allemagne européenne et pas pour une Europe allemande. Et j’espère devenir le président d’une Commission de et pour tous les Européens.
La Commission européenne ne veut laisser aucun délai supplémentaire à la France pour redresser ses comptes. Et vous?
D’après le ministre du Budget Michel Sapin, la France n’a pas besoin de plus de temps, il n’y a donc rien à discuter. Il faut vivre avec les critères de Maastricht et nous n’allons pas changer les traités. Je pense en revanche que nous pouvons renégocier les conditions concernant les dettes souveraines. Je crois que les Etats devraient pouvoir s’endetter si leurs emprunts viennent financer des investissements nécessaires pour le futur, par exemple en matière d’infrastructures numériques, de recherche, d’innovation, de lutte contre le changement climatique, etc.
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