POLITIQUELe quinquennat de François Hollande peut-il être sauvé ?

Le quinquennat de François Hollande peut-il être sauvé ?

POLITIQUELe président de la République a encore trois ans pour redresser la barre ou cueillir les fruits de sa politique, c’est selon...
Maud Pierron

Maud Pierron

Mardi, François Hollande fête ses deux ans à l’Elysée. Pas sûr pourtant que le chef de l’Etat sabre le champagne pour l’occasion, tant cette deuxième année de mandat a été mauvaise. Son pari sur l’inversion de la courbe du chômage n’a pas été tenu, les municipales ont été un échec retentissant qui l’ont poussé à remanier dans l’urgence, faisant voler en éclat sa majorité avec les écologistes. Et sa courbe de popularité a atteint les tréfonds, sans garantie de ne pas baisser encore cette année. Pourtant, le chef de l’Etat se montre optimiste. «Le retournement économique arrive», a-t-il promis au JDD, se fondant sur les dernières prévisions de croissance et assurant que dans le deuxième temps du quinquennat, il y aurait de la redistribution. Après deux premières années globalement loupées, Le quinquennat de François Hollande peut-il encore être sauvé? 20 Minutes a interrogé plusieurs experts.

L’avis de Jérôme Fourquet, directeur des études à l’Ifop

«En politique, trois ans c’est très long, il peut se passer tellement de choses qui peuvent influer sur la popularité de François Hollande… Si on regarde le précédent quinquennat, on note qu’on peut être impopulaire durablement puisque Nicolas Sarkozy avait perdu le lien avec l’opinion, dès début 2008, où il était autour de 30 à 35% d’opinions positives. Et il a passé quatre ans dans ces eaux-là. François Hollande, lui, est beaucoup plus bas, autour de 20%. Pour qu’il puisse conjurer ce scénario qui le verrait scotché dans les abîmes de la popularité, il faudrait un changement en profondeur de la situation économique et sociale. Or, en trois ans, dans la période actuelle, cela semble improbable.

C’est d’autant plus compliqué que lorsqu’il y a une baisse du chômage, les dividendes sur la popularité ne sont pas touchés tout de suite: il y a un décalage de six à huit mois entre le moment où elle intervient, et le moment où l’opinion l’intègre, en raison notamment des soupçons de manipulations.

Là où on a vu des retournements de popularité importants, c’est lors de périodes de cohabitation. En décembre 1997 par exemple, Jacques Chirac est à seulement 27% d’opinions positives. En décembre 2001, après cinq ans de cohabitation avec Lionel Jospin, il est à 54% d’opinion positive. C’est d’ailleurs la grande trouille de la droite: que Hollande, en habile tacticien, reprenne ce scénario. Mais le contexte politique, avec le quinquennat, n’est plus le même. Ce serait un choix hautement risqué.»

L’avis de Nicola Brandt, économiste à l’OCDE

«Toute situation peut toujours s’inverser en économie. Au niveau de la croissance, on voit que la situation à l’extérieur de la France est en train de s’améliorer donc on peut espérer que la situation s’améliore pour les entreprises françaises qui exportent. Vu les récentes réformes, on espère un redressement de la situation économique pour les mois qui viennent.

Mais pour avoir une inversion de tendance sur le marché du travail, il faut une reprise assez forte qui n’est pas prévue dans l’immédiat. La création d’emplois s’améliore déjà mais le taux de chômage pas encore.

On estime toutefois que les dernières réformes et annonces -avec le CICE, la baisse des charges, la baisse des impôts pour les entreprises- peuvent aider les entreprises à retrouver leur compétitivité et donc à investir et à créer des emplois. Tout comme la baisse des charges sur les bas salaires.

Quant à la confiance des ménages et des entreprises, ça s’est amélioré depuis l’année dernière mais ça reste en dessous de la moyenne à long terme en France.»

L’avis de Thomas Guénolé, politologue

«François Hollande peut tout à fait sauver son quinquennat en raison notamment de ce qu’on appelle les cycles Juglar.» L’économiste Thomas Guénolé a identifié des cycles assez courts (entre huit et dix ans), qui commencent par une phase de croissance et terminent par une phase de récession. Si on adhère à cette théorie, cela ferait intervenir la reprise entre fin 2016 et fin 2017, donc autour de la prochaine élection présidentielle. Quand il y a la dissolution en 1997, le chômage est élevé et la crise dure, donc la gauche gagne et Lionel Jospin s’installe à Matignon. A peine arrivé, alors qu’il n’a encore eu le temps de rien faire, il bénéficie de la reprise. Pendant presque cinq ans, le chômage baisse mais six mois avant la présidentielle, le chômage remonte car c’est la fin du cycle. Résultat: il n’est pas qualifié pour le second tour de la présidentielle 2002. Au début, il a de la chance, ensuite de la malchance. En 2012, François Hollande a bénéficié d’un chômage persistant pour être élu. Ensuite, il pourrait bénéficier d’une situation inversée par rapport à celle de Jospin: crise au début, croissance à la fin.

«Je ne dis pas que les politiques n’ont pas d’impact sur les politiques économiques et sociales mais les gouvernements de droite comme de gauche essaient finalement peu de choses en matière d’instruments politiques, donc le déterminant du score électoral deviennent la croissance économique dont les variations leur échappent le largement.»

«Enfin, trois ans à l’échelle politique, c’est très long. Il ne faut pas confondre ce que les médias retiendront et ce que les Français, eux, retiendront. Comme tous les autres présidents, Hollande sera jugé sur le triptyque "chômage-emploi-prix"».