POLITIQUEDenis Baupin: «Est-ce que Noël pense que 90% de nos électeurs sont des imbéciles?»

Denis Baupin: «Est-ce que Noël pense que 90% de nos électeurs sont des imbéciles?»

POLITIQUELe vice-président du groupe écologiste à l’Assemblée revient sur la décision de Noël Mamère de quitter le parti...
Propos recueillis par Matthieu Goar

Propos recueillis par Matthieu Goar

Noël Mamère a claqué la porte. Selon Denis Baupin, le député de Bègles se trompe de combat mais symbolise les difficultés d’adaptation d'Europe écologie-les Verts (EELV) à la culture de gouvernement.

Que pensez-vous de la décision de Noël Mamère?

Le combat principal n’est pas de sortir d’EELV. Mais nous avons au contraire besoin de mobiliser nos forces pour peser au sein du gouvernement. C’est cette participation à la majorité qui peut nous permettre d’être efficaces et Noël, avec la force de ses prises de position, devrait le comprendre. Je regrette son choix.

Lui pense au contraire que vous ne servez à rien et ne pesez sur aucune décision. Il cite une «conférence environnementale qui n’est qu’un trompe-l'œil» et la persistance de «niches fiscales nuisibles à l'environnement»…

Mais dans les sondages 90% de nos électeurs pensent que la participation des écologistes au gouvernement est une bonne chose. Est-ce que Noël pense que 90% de nos électeurs sont des imbéciles? Cette stratégie amène déjà des résultats. La Loi Duflot sur le logement est une des plus progressistes. Elle permet d’encadrer les loyers et de créer une garantie universelle. En matière d’écologie, François Hollande a confirmé lors de la dernière conférence environnementale qu’il voulait diviser par deux la consommation d’énergie à l’horizon 2050, qu’il diminuerait la TVA à 5% pour les travaux d’isolation thermique. Ce n’est pas rien. Est-ce que nous gagnons tous les combats, tous les arbitrages? Bien sûr que non. Mais est-ce qu’Arnaud Montebourg gagne les siens à propos du gaze de schiste par exemple? Non plus.

Il évoque également la «firme» Duflot qui dirige le parti?

C’est la première fois que j’entends ce terme. Mais oui Cécile Duflot a toujours de l’influence. Et c’est normal. Après tout, c’est aussi elle qui a permis à ce parti d’avoir un groupe à l’Assemblée, un groupe dont fait d’ailleurs parti Noël Mamère, un autre au Sénat. Elle est ministre, ce leadership est naturel. Jean-Marc Ayrault a lui aussi du pouvoir sur le PS. Lorsqu’un parti est au pouvoir, il y a des pôles d’influences, des pôles de pouvoir différents. Il faut s’y habituer. Et ce n’est jamais facile pour le responsable du parti comme Pascal Durand. Mais je crois que cela n’est pas non plus facile pour Harlem Désir au PS.

Vous êtes en responsabilité mais les divisions continuent à miner les écologistes. Pourquoi le parti n’évolue-t-il pas?

Nous sommes un parti en mutation. Nous avons franchi un cap et certains de nos dirigeants et de nos cadres ont du mal à passer d’une culture protestataire à une culture de compromis et de gouvernement. Ce n’est pas simple mais il s’agit d’une question noble: comment faire de la politique et comment réussir cette mutation? Cette question, nous nous la posons depuis le début du mouvement. A l’origine, certains affirmaient même qu’il ne fallait pas créer un parti car nous aurions forcément un jour à nous poser ce dilemme. Mais c’est la seule façon d’être efficace et de peser. Et 90% de nos électeurs nous soutiennent.

Noël Mamère n’est pas soluble dans cette culture?

Il y a un désaccord de Noël Mamère depuis le début du quinquennat[le député de Gironde avait hésité à voter la confiance du gouvernement en juin 2012]. La greffe n’avait pas pris entre Noël et ce groupe de 17 députés à l’Assemblée dont il avait voulu être le président, puis le porte-parole. Noël fait de la politique de façon protestataire. Et il le fait avec talent. Nous sommes tous fiers lorsqu’il prend la parole en notre nom à l’Assemblée. Mais dans un parti de gouvernement, il faut savoir faire des compromis.