Les raisons de la démission de Delphine Batho
POLITIQUE•«20 Minutes» a eu la version des acteurs au plus près du dossier...Alexandre Sulzer
La sanction n’a pas tardé. Dix heures à peine après avoir qualifié le projet de budget 2014 de «mauvais», Delphine Batho a été débarquée du gouvernement. Une démission qui contraste furieusement avec la passivité avec laquelle avait réagi l’exécutif lors de couacs précédents impliquant notamment Arnaud Montebourg, Vincent Peillon ou Cécile Duflot.
Depuis son interview dans Paris-Match début mai, François Hollande avait déjà haussé le ton. «La ligne, c’est le président de la République qui la fixe. (…) Et il n’y en a qu’une, et une seule, au sein du gouvernement et de la majorité.» «C’était explicite et le Président l’avait confirmé le lendemain à l’Elysée», confie à 20 Minutes une source élyséenne qui assume «bien évidemment» le «message qui est envoyé» à la majorité. «Chacun doit prendre ses responsabilités.» «Depuis l’avertissement de François Hollande, les équipes de l’exécutif étaient vigilantes sur les couacs», abonde une autre source proche du dossier.
Des propos graves
Au-delà de cette réaffirmation de l’autorité présidentielle, l’exécutif pointe du doigt la gravité des propos de la désormais ancienne ministre de l’Ecologie. «Jamais un ministre n’avait tenu de propos aussi catégoriques. Le budget est l’expression la plus forte de la ligne politique. Ce n’était donc pas acceptable, glisse l’Elysée. L’opinion publique a besoin de sentir une équipe gouvernementale soudée, qui fait corps, qui ne fait qu’un.»
Ce qui aurait particulièrement déplu au plus haut niveau, avance une source bien informée au sein du gouvernement, c’est que Delphine Batho n’aurait jamais fait part de ses réserves sur les arbitrages budgétaires auprès du président de la République ou du Premier ministre à l’issue du conseil des ministres.
L’importance d’un budget
«Le budget est un temps spécialement fort, il doit engager l’ensemble du gouvernement, insiste-t-on de source gouvernementale. Ce n’est pas l’engagement écologiste ni la parité [le gouvernement n’est plus paritaire désormais] qui sont en cause.» Et de mettre en avant le profil écologiste de Philippe Martin, le successeur de Delphine Batho. Un argument répété mardi soir par la majorité pour tenter de rassurer les partenaires écologistes qui se sont aussitôt réunis autour de Cécile Duflot pour voir quelle suite donner à la crise.
Le député Noël Mamère évoquant même publiquement la question du maintien d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) au gouvernement. «A l’exception de l’éducation, de l’Intérieur et de la justice, tous les portefeuilles sont visés par l’effort budgétaire, ce n’est pas l’écologie qui est spécifiquement mise à contribution», insiste l’Elysée.
«Delphine Batho est une victime expiatoire, il y a eu des couacs plus bien violents. Elle n’a pas dit à Ayrault qu’il la faisait chier avec son aéroport, elle», observe, dubitatif et sous couvert d’anonymat, un député socialiste. «Au-delà d’elle, c’est bien l’écologie qui est visée, je ne vois pas comment ça va fonctionner avec les Verts.» Mardi soir, l’Elysée indiquait qu’une prise de contact entre le chef de l’Etat et les écologistes n’était pas à l’ordre du jour. Barbara Pompili, co-présidente du groupe des députés EELV affirmait, elle, que «les Verts ne quittaient pas le gouvernement».