PORTRAITGaston Flosse, le controversé phénix polynésien

Gaston Flosse, le controversé phénix polynésien

PORTRAITA 82 ans, le sénateur de Polynésie est arrivé en tête des élections territoriales et pourrait bien redevenir président de la collectivité, malgré ses nombreux déboires judiciaires et électoraux...
Enora Ollivier

Enora Ollivier

Revoilà donc le «vieux lion», l’«insubmersible» «papa Flosse». Ces trois surnoms résument en peu de mots Gaston Flosse, dont la liste autonomiste est arrivée ce lundi largement en tête des élections territoriales de Polynésie, à la fois roi, élu le plus condamné de France et incroyable phénix politique.

Ceux qui croyaient l’homme de 82 ans définitivement enterré après la motion de défiance votée contre lui en avril 2008 se sont bien trompés. Le sénateur UDI va probablement redevenir président de l’île, une fonction qu’il a déjà occupée quatre fois entre 1984 et 2008.

Deux condamnations en 2013

René Dosière, député PS et rapporteur des crédits d’Outre-mer, a immédiatement réagi, déplorant avec force la réélection de l’«homme le plus corrompu de la République». Car, en plein effort de «transparence» après l’affaire Cahuzac, ce ne sont pas les multiples démêlés de l’homme fort de l’île avec la justice qui ont changé la donne.

Cette seule année 2013, Gaston Flosse a déjà été condamné pas moins de deux fois. Le 15 janvier, il a écopé d’une peine de cinq ans de prison ferme, cinq ans de privation des droits civils, et plus de 83.000 euros d’amende pour trafic d’influence et corruption. Il lui était reproché d’avoir touché 1,2 million d’euros en liquide entre 1993 et 2005 pour favoriser les sociétés d’un homme d’affaire, notamment dans l’obtention de contrats de régie publicitaire des annuaires de Polynésie française.

Moins d’un mois plus tard, le 7 février, c’est dans une vaste affaire d’emplois fictifs que le sénateur a été condamné en appel à quatre ans de prison avec sursis. Mais qu’importe. L’«insubmersible» a temporairement mis à distance ces condamnations, en se pourvoyant respectivement en appel et en cassation. Les décisions définitives ne seront pas connues avant plusieurs mois.

«Dérives financières» et «opacité

En toile de fond, c’est le système Flosse qui apparaît dans ces affaires. Un système progressivement mis en place par ce vieil ami de Jacques Chirac, dont il fut secrétaire d’Etat au Pacifique sud entre 1986 et 1988. Un système ressemblant à une «république bananière», comme le décrivent les journalistes du Monde Fabrice Lhomme et Gérard Davet, qui ont récemment consacré un ouvrage, L’homme qui voulut être roi, à Gaston Flosse.

Les journalistes évoquent la «tentation autoritaire» de cet ancien instituteur qui, de 1991 à 2004, «muselle et surveille la presse comme l'opposition», «crée sa milice privée», «fait muter les magistrats à sa guise, se débarrasse des juges trop inquisiteurs».

En 1995, c’est grâce à son accord que le Président Chirac peut effectuer des essais nucléaires dans le Pacifique. Un an plus tard, il obtient de l’Etat un dispositif d’aide financière pour compenser la perte de recettes liées à la fermeture du Centre d’expérimentation du Pacifique, qui gérait ces essais. Gaston Flosse a fait construire des routes, des infrastructures, pour moderniser la Polynésie. Mais il est aussi suspecté d’avoir tiré un large profit personnel de l’argent public, se faisant bâtir un palais, s’achetant un avion, un yacht, et même un atoll. Des faits fustigés par la Cour des Comptes qui, en 2007, publie un rapport cinglant sur la gestion de Flosse entre 1991 et 2005, et pointe des «dérives financières», une «opacité» ou encore une «administration parallèle».

Deux semaines de détention provisoire

Les relations avec le successeur de Jacques Chirac à l’Elysée sont loin d’être aussi bonnes. En 2009, Nicolas Sarkozy envoie à Tahiti un nouveau procureur, qui enquête sur des faits de corruption. Gaston Flosse effectue même deux semaines de détention provisoire en novembre, dans l’affaire des contrats de régie publicitaire.

Entre temps, en mai 2004 il est battu lors des élections par l’indépendantiste Oscar Temaru, avant de le renverser cinq mois plus tard… et d’être à son tour déchu par une motion de censure en février 2005.

Gaston Flosse revient brièvement au pouvoir entre février et avril 2008, grâce à une improbable alliance avec son ennemi Temaru. Un retour de courte durée, jusqu’à ce que, contre vents et marée, le «vieux lion» ait décidé de refaire surface.